Comment va évoluer l’évènement ?
Les maisons qui n’étaient pas présentes à Station F pour des raisons diverses et variées vont sans doute participer à la deuxième édition qui sera prolongée d’une journée supplémentaire. Nous gardons Station F, car nous aimons bien cette symbolique d’ancrage des métiers ancestraux dans un lieu où l’on ne parle que de futur. Ce qui est en phase avec notre devise : le luxe est le plus ancien secteur d’avenir. L’Éducation nationale continuera à soutenir cet évènement. Pour 2024, nous allons réfléchir à le décentraliser et à créer des éditions régionales, parce que nos maisons sont très fortement implantées dans les territoires. C’est là qu’elles recrutent. L’industrie du cuir et de la chaussure est un secteur fortement recruteur en France, avec quelques grandes régions de savoir-faire où se sont créés des écosystèmes vertueux autour de maisons, de sous-traitants et de lycées professionnels. Nous avons ainsi besoin de décentrer le regard, et d’aller dans tous les bassins du territoire qui recrutent fortement. Nous avons de très forts appels en ce sens par de nombreuses régions prêtes à nous fournir le support nécessaire. Si, l’année prochaine, nous pouvons créer plusieurs éditions dans différentes régions, nous le ferons. Il existe en France 188 territoires de savoir-faire qui font sa notoriété dans le monde entier, soit autant de recrutements à réaliser sur l’ensemble de notre territoire.
La difficulté de l’attractivité des métiers d’art et techniques perdure et devient l’un des sujets prioritaires transversal à tout le secteur du luxe. Dans quelle mesure la question de ce déficit d’image se retrouve-t-elle, à présent, dans une conjoncture favorable pour y remédier ?
Jusqu’à présent, la difficulté d’adresser un plan pour les métiers d’art résidait dans la fragmentation de ces derniers et de leur représentation. Les métiers d’art recouvrent, il est vrai, des réalités économiques très différentes depuis l’artisan travaillant seul dans son atelier à une œuvre de création et l’artisan salarié de grandes ou petites maisons et qui, parfois, exécute un geste répétitif le rapprochant davantage de l’ouvrier spécialisé, et parfois interprète un dessin pour créer de ses mains un objet ou un vêtement. Ces différentes formes de pratiques, avec diverses représentations, syndicats professionnels et nombreux porte-paroles qui ne se fréquentaient pas forcément, ont créé un écosystème très compliqué. La réussite du plan métiers d’art annoncé par la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, et sa consœur Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, réside d’abord dans l’écoute attentive et bienveillante de tout cet écosystème largement associé à la rédaction de ce plan. La présentation au Mobilier National a d’ailleurs donné lieu à un joli moment de cohésion d’acteurs qui ne se parlaient pas toujours avant. Tout cela est suffisamment rare pour être souligné.
C’est un plan qui a vocation à résoudre la plupart de nos difficultés : attractivité des métiers d’art et techniques auprès de la jeunesse, visibilité de ces métiers, révision de programmes de formation qui, pour certains, étaient devenus obsolètes. De ce point de vue, ce plan est hautement symbolique, et je le vois comme un nouveau départ. Il est par ailleurs nanti d’une enveloppe conséquente de 340 millions d’euros.
La bonne nouvelle est également venue, la même semaine, du plan France 2030 qui a retenu notre projet Re-SOuRCE porté par le Campus Mode, Métiers d’Art et du Design – Manufacture des Gobelins auquel le Comité Colbert est associé. Nous y avons porté la création d’un conservatoire des métiers d’art et de fabrication qui répondra à l’enjeu de transition générationnelle. Le projet repose sur une innovation, de l’école des Mines, axée sur la robotique collaborative et l’intelligence artificielle. Elle va permettre la capture et l’enregistrement des gestes experts de l’artisan par des capteurs posés sur le corps et des gants. Cette possibilité de retranscription et conservation de la gestuelle pourra servir de support à la formation des générations futures d’apprentis, très utile quand nous sommes confrontés à des métiers où il n’existe plus de formation. Pour ce projet, le prototypage a été réalisé avec Christofle et Van Cleef & Arpels sur les métiers de joaillerie et d’orfèvrerie de table parce qu’il n’existe plus, par exemple, de formation pour les orfèvres de table. Concrètement, le projet vise à préserver et transmettre les savoir-faire qui constituent l’un des patrimoines immatériels les plus précieux de France. C’est encore une pièce supplémentaire à cet édifice, et tout cela va dans la bonne direction.
Quels sont les autres projets en cours avec l’Éducation nationale ?
La bonne nouvelle est, enfin, l’éveil aux métiers qui va commencer beaucoup plus tôt à l’école, dès la classe de 5ème, à partir de la rentrée 2023, après l’expérimentation menée cette année avec 650 collèges volontaires répartis sur tout le territoire national. Les collégiens vont bénéficier d’un temps pédagogique permettant des rencontres avec des professionnels, des mini stages, des espaces dédiés au sein des établissements. Cela va nous permettre de prendre la parole dans les collèges et provoquer cette rencontre avec la jeunesse dans le cursus scolaire plus tôt qu’auparavant.
Dans quelles autres initiatives de formation aux métiers d’art et techniques le Comité Colbert s’investit-il ?
Indépendamment du projet avec l’Éducation nationale, nous avons contracté un petit partenariat avec une start-up de l’économie solidaire, Myfuture qui réalise des « live » métiers avec des classes de collégiens, connectant entreprises et classes par un format plutôt sympathique et très interactif. S’il fonctionne bien, nous le déploierons dans toutes nos maisons volontaires. L’an passé, nous avons également développé avec l’INMA (l’Institut National des Métiers d’Art) le programme « À la découverte des métiers d’art », particulièrement mis en avant dans le plan métiers d’art. Il propose d’emmener des classes de collégiens à la découverte, sur une journée, dans une région, à la fois d’une manufacture et du lycée professionnel qui prépare précisément aux métiers de l’entreprise visitée. C’est une manière de donner de la visibilité à un métier parfois méconnu des jeunes, qui se pratique pourtant tout près de chez eux. Le programme fait ainsi la démonstration, qu’à quelques kilomètres de chez eux, se trouve une entreprise qui recrute et, dans un rayon de 10 à 15 kilomètres, un lycée professionnel qui forme aux métiers de cette entreprise. Quand on connaît le manque de mobilité dans nos territoires, il est aussi important de montrer aux jeunes qu’ils peuvent apprendre des métiers passionnants dans des entreprises qui recrutent à proximité.
Inscrivez-vous à la Newsleather pour recevoir nos articles selon vos préférences de thématiques.