Les sneakers en cuir ont le vent en poupe

L’actualité récente de deux jeunes marques françaises proposant des baskets en cuir montre que ce créneau hybride entre formel et décontracté est dans l’air du temps.

Lettres de noblesse

Deux start-up françaises misent sur ce positionnement, alliant le caractère sportif de la basket à l’élégance du cuir.
La première à s’être lancée en 2020, IKO & NOTT, s’inscrit dans un créneau accessible, au prix boutique unique de 129 euros la paire. La seconde, amorcée il y a deux ans et demi, vient seulement de démarrer la commercialisation en France de ses modèles unisexes haut de gamme, vendus entre 450 et 500 euros la paire, sous la marque EVI. Leurs initiateurs, Mélisande Geldy pour IKO & NOTT, passée par le luxe (Cartier, Arlettie), et Dimitri Blanchy et Solène Didier chez EVI, anciens commerciaux dans l’automobile, ont choisi le cuir pour des raisons communes : « parce que c’est une matière noble que tout le monde connaît » pour Mélisande, pour sa « noblesse, sa durabilité, sa qualité et l’originalité de ses textures et teintes » pour Dimitri. « Nous avons identifié beaucoup de matières et aucune autre n’est capable de remplir tous ces critères.  Le cuir reste la plus responsable à nos yeux et celle qui nous permet le mieux de nous exprimer »,estime-t-il.  
Mais les stratégies diffèrent. IKO & NOTT n’utilise que des matières recyclées et recyclables, certifiées GRS (Global Recycled Standard), soit le label vérifiant la présence et la quantité de matériaux recyclés.

Stocks dormants

La marque se fournit principalement dans les stocks dormants de grands maroquiniers. Mais ses cuirs, de tous types, peuvent aussi provenir, par exemple, d’anciens canapés. La matière est ensuite nettoyée et tannée végétalement. Côté fabrication, des « contraintes de quantité, trop importantes en France, un manque de disponibilité des artisans et un coût de production trop élevé » l’ont détournée de l’Hexagone. Les modèles IKO & NOTT sont produits au Portugal « en étroite relation avec les artisans d’une manufacture de Porto, dont le savoir-faire familial garantit que chaque paire de baskets est fabriquée avec soin et attention ».
Lorsque ses baskets sont usagées, le client peut les troquer contre un bon de réduction pour une autre paire chez IKO & NOTT, qui les envoie dans une usine en Bretagne, spécialisée dans le recyclage des baskets. Une fois nettoyé, le cuir peut être réutilisé pour de la petite maroquinerie. Mélisande Geldy insiste sur la spécificité particulièrement résistante du cuir recyclé. Depuis 2021, seulement dix clients ont retourné leur paire… Et elle se réjouit de totaliser « 4 tonnes de matières premières recyclées qui auraient terminé à la benne » et qui ont été « transformées en baskets écoresponsables » ! De son côté, EVI a choisi de rivaliser avec les « créateurs italiens ayant su faire perdurer leur savoir-faire des marques haut de gamme avec du caractère, en termes de design mais aussi d’identité ».

Fabriquée à Romans-sur-Isère

EVI se distingue donc « par une fabrication à la main en France, la qualité de ses produits, le design graphique de son modèle baptisé Prémices, les textures et couleurs proposées », explique Dimitri Blanchy qui a capitalisé sur sa passion, dessiner des baskets, pour en faire son métier. Avec Solène Didier, il a passé six semaines à plein temps à Romans-sur-Isère pour apprendre les fondamentaux de la chaussure et y créer un premier prototype. Le duo a ensuite noué un partenariat, toujours dans l’ancienne capitale de la chaussure, avec un atelier de fabrication appartenant au groupe Chamatex et travaillant pour une grande maison de luxe. Pour fabriquer son modèle unique, décliné dans différents coloris et jeux de matières, EVI source en France et en Italie « des cuirs de veau, vachette, bovin velours, saumon brut ou dégradé et chèvre pour les métallisés », tous certifiés LWG (Leather Working Group). « Chaque peau est choisie pour sa qualité exceptionnelle, sa durabilité et son respect de l’environnement, assurant un confort inégalé », assure Dimitri Blanchy.
Si elles ne sont qu’au début du chemin, les deux marques sont prometteuses. Aujourd’hui commercialisée sur internet, IKO & NOTT est déjà rentable. Et son chiffre d’affaires, encore modeste mais réalisé en fonds propres, est sur la bonne trajectoire : au premier semestre 2024, il a déjà atteint le montant (35 000 euros) de l’année 2023 entière. Car son modèle durable séduit hommes et femmes, majoritairement les 25-35 ans, particulièrement en Allemagne, en Suisse et en Finlande. Des « dirigeants d’entreprises se retrouvent dans ses valeurs et des personnalités comme Alain Ducasse et Matthieu Ricard ont eu le coup de foudre ».

Levée de fonds

La marque a aussi convaincu BPIfrance et des business angels, auprès de qui elle a levé 700 000 euros en mai dernier,sous forme d’apports en equity et en dette. Sous la houlette d’Astrid Bellon, Présidente de Bellas Investissements, le tour de table a rassemblé Nicolas Jeanne, Fondateur de Sensactions & Les Sages, Julien Vivier, Président de Sofraco et Yann Cohen-Addad, Chief Commercial Officer de Fairlyne. Grâce à cet apport d’oxygène, Mélisande Geldy entend « booster la commercialisation » de ses collections. Sa deuxième participation au salon Who’s Next, en septembre dernier, lui a valu des rencontres avec des multimarques français. Et elle compte bien lancer sa première paire de running écoresponsable d’ici fin 2025.
Lauréate du Leadership Program de l’association Diversidays, Mélisande Geldy bénéficie aussi depuis mars dernier d’un coaching lui permettant de présenter son entreprise dans des lieux prestigieux comme l’Hôtel de Ville de Paris ou l’ambassade des États-Unis. Elle évoque un « véritable atout qui a bouleversé sa façon de voir l’entrepreneuriat.
De son côté, pour sa première saison de commercialisation, EVI vient d’être référencée aux Printemps (Homme et Femme) de Paris Haussmann et à Lyon et dans quelques select stores français. Elle vise une diffusion à l’international dès la prochaine saison, via un circuit premium. Des lieux idoines pour toucher sa clientèle, « majoritairement féminine (entre 25 et 45 ans), prescriptrice auprès de l’homme ». Fin septembre, EVI a par ailleurs participé pour la première fois au salon Tranoï avec, à la clef, « des commandes à l’international, principalement en Asie, auprès de select stores et de department stores » ainsi que la validation d’un point de vente hexagonal. « La saison n’est pas terminée et nous espérons trouver de nouveaux revendeurs français. Même si nous sentons que les distributeurs étrangers sont plus aptes à essayer de nouvelles marques et que l’argument du made in France fait la différence », souligne Dimitri Blanchy. Autre projet d’avenir : proposer à sa clientèle un service de réparation. Un must dans un monde où la circularité s’impose toujours davantage.

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Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse

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