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Le spécialiste du chaussant made in France depuis plus de 50 ans, jusqu’alors sous-traitant pour des enseignes, se diversifie avec sa propre marque, ...
Depuis plus de 60 ans, Jonak chausse les femmes à la recherche de souliers élégants, de qualité et au prix juste. Une équation que la marque a réussi à maintenir en restant fidèle à l’esprit insufflé par ses fondateurs, Marcel et Josette Nakam. Une passion pour la chaussure transmise sur trois générations de cette entreprise familiale qui a résisté à la tentation de la délocalisation en privilégiant les savoir-faire et dont la devise pourrait être « Faire bien pour durer ». Échange avec Lisa Nakam, Directrice Générale Associée de la marque depuis 15 ans aux côtés de son frère Marcel.
Depuis sa création en 1964, Jonak s’est construite autour d’une ligne de conduite que Lisa Nakam qualifie de « bon sens », rejetant la surconsommation, privilégiant des fournisseurs de confiance et une fabrication européenne. Affaire de transmission et de cohérence, la culture de la responsabilité n’est pas une mode chez Jonak, mais un prolongement naturel de la façon dont la famille travaille depuis toujours. Elle cite en exemple cette anecdote révélatrice : dès les années 1960, son grand-père proposait déjà des tote bags réutilisables en tissu à ses clientes. « Quand tout le monde a commencé à parler de RSE, on n’en faisait pas un axe de communication. Pour nous, c’était simplement une façon de bien faire les choses », confie Lisa Nakam
L’obtention, en décembre 2024, de la certification B Corp, au terme d’un parcours de 18 mois, a permis de formaliser et d’objectiver des engagements déjà présents, mais a également poussé la marque à identifier ses axes d’amélioration et à embarquer tout son écosystème dans son sillage. « C’était important de pointer du doigt les choses qu’on ne faisait pas encore bien, et de créer une roadmap avec nos usines », souligne-t-elle.
Choisissant de produire mieux, plus près en respectant les savoir-faire, Jonak n’a pas cédé aux sirènes de la délocalisation lointaine qui séduisirent beaucoup de marques dans les années 90 et a maintenu une production européenne. 85% de la production est aujourd’hui réalisée au Portugal, le reste en Espagne, en Italie ou bien encore en Turquie, avec des cuirs européens. Un choix de préserver une fabrication plus artisanale, avec des ateliers devenus au fil du temps de véritables partenaires, qui s’avère aussi cohérent avec la stratégie de premiumisation de la marque. Cette démarche, en pérennisant les relations avec les fabricants, crée un cadre favorable pour le maintien de standards élevés et permet d’engager plus facilement les ateliers dans le processus RSE.
Pour la dirigeante, c’est en établissant des standards exigeants, créant un cercle vertueux sur la chaîne d’approvisionnement, que la certification joue pleinement son rôle. Les audits ont par exemple imposé de meilleures pratiques sociales et environnementales à certains partenaires de Jonak. Des petites structures, moins avancées que certains partenaires importants, qui ont dû faire des efforts supplémentaires pour améliorer les conditions de travail de leurs salariés. De même, les exigences de Jonak sur le choix de cuirs certifiés Leather Working Group (LWG) poussent tanneries et ateliers à s’aligner sur ces standards, ce qui, pour Lisa Nakam, « bénéficie à toute la filière ». Aujourd’hui, grâce au processus de certification, 97% des cuirs utilisés par la marque sont labellisés LWG. Pour arriver à ce résultat, la collecte et l’exploitation de données est essentielle. Pour s’atteler à cette tâche, Jonak a utilisé le logiciel développé par l’entreprise à mission française Trace For Good.
Implémenté par l’équipe RSE interne de Jonak il y a quatre ans, en amont du déploiement de la loi AGEC, l’outil SaaS Trace for Good a permis à Jonak de structurer les données tout en impliquant les partenaires. Si l’entreprise a choisi cette solution, c’est pour l’intégration qui permet de rester maître des informations collectées.
Véritable levier d’engagement en interne, mais aussi avec les fournisseurs, Trace for Good a transformé les pratiques. Les équipes RSE collaborent plus étroitement avec les équipes produit et les fournisseurs, quant à eux, sont davantage impliqués dans le suivi. De même, si l’onglet traçabilité intégré aux fiches produits sur le site n’est pas encore le plus cliqué, il est néanmoins consulté par un nombre grandissant de clientes. Le logiciel s’est révélé être un outil clé pour la certification B Corp. Elle a permis de fournir des données fiables, permettant de certifier toutes les informations liées à la production. La transversalité des deux démarches, traçabilité et certification, a renforcé la crédibilité de la marque.
Fidèle à ses exigences de qualité et à sa volonté de s’adapter aux attentes de ses différents marchés, Jonak privilégie des cuirs européens de premier choix certifiés LWG tel le veau, la vachette, le buffle et la chèvre velours, à tannage minéral.La marque travaille aussi certaines peaux à tannage végétal. Cependant, s’il séduit par son rendu visuel naturel et sa cohérence avec une démarche responsable, les clientes ont parfois encore du mal à accepter sa patine évolutive et sa sensibilité aux traces, perçues comme des imperfections plutôt que comme les signes de sa singularité.
Si la marque reste curieuse des nouveautés proposées par ses fournisseurs, les matières synthétiques issues du végétal ne font pas partie des options envisageables. Pour Lisa Nakam, la présence dans ces dernières d’une proportion trop importante de composés issus de la pétrochimie est rédhibitoire car incohérente avec un choix responsable. Difficilement réparables, ces matières ne possèdent pour elle aucune des qualités qui font du cuir la matière la plus durable.
Pragmatique et cohérente, Jonak a d’ailleurs choisi d’aider ses clientes à prolonger la vie de leurs chaussures, plutôt que de s’orienter vers une offre de seconde main, jugée contraire aux impératifs de santé du pied. « Un podologue vous dira de ne jamais porter les chaussures de quelqu’un d’autre », prévient Lisa Nakam.
Jonak encourage donc la réparation, avec un service dédié à Paris et un réseau de cordonniers partenaires. Une idée née grâce à un ancien salarié passionné de chaussure, ayant racheté un service de cordonnerie, désormais en charge des réparations. Les chaussures peuvent être déposées en boutique hebdomadairement et récupérées quelques jours plus tard. Un service gratuit si vos souliers ont moins de deux ans. L’objectif est bien entendu de prolonger la vie des souliers, mais aussi de réapprendre aux clientes à en prendre soin.
Jonak a engagé une phase d’expansion internationale rapide, mais toujours sous contrôle et en cohérence avec son ADN artisanal. L’Europe reste le principal terrain de développement, mais la marque explore également des zones stratégiques hors du continent : Hong Kong, porte d’entrée vers l’Asie, mais aussi le Maroc ou encore le Liban, qui offre des perspectives de développement au Moyen- Orient. Le réseau compte désormais une centaine de boutiques en propre et une trentaine de revendeurs, essentiellement dans de grands magasins internationaux. Cette mondialisation ouvre de nouveaux défis pour une marque dont 90% du transport européen se fait aujourd’hui par camion et pousse à réfléchir au modèle logistique mais aussi au sourcing de demain. « Si demain 50% de notre chiffre d’affaires vient d’Asie, il faudra forcément repenser notre modèle », reconnaît Lisa Nakam. Mais plutôt que d’y voir une contrainte, elle y perçoit une opportunité d’innovation responsable qui s’orienterait vers un modèle multi-continental avec des productions régionales alignées sur les mêmes exigences humaines et environnementales qu’en Europe.
La certification B Corp a mis en lumière les forces de la marque, mais aussi ses zones de progrès. L’entreprise suit de près les innovations autour du tannage au chrome. La gouvernance constitue également un enjeu pour Jonak, qui demeure une entreprise 100% familiale. Cette particularité représente une légère faiblesse dans l’évaluation B Corp, tout en faisant partie intégrante de l’identité de la marque. Une ouverture du capital aux salariés pourrait néanmoins constituer une piste d’évolution intéressante.
La marque continue par ailleurs d’observer les meilleures pratiques des entreprises certifiées, notamment en termes de bilan carbone.
Si Trace For Good a permis une rapidité de collecte et une centralisation des données, Lisa Nakam souhaiterait pouvoir y trouver certains reportings, permettant un pilotage RSE plus centré sur les données. Mais pour la dirigeante, un des plus grands enseignements de ce processus de certification restera sa capacité à fédérer l’entreprise entière. « C’est le premier projet d’entreprise, en 15 ans, qui a vraiment embarqué tout le monde. » D’ailleurs si elle avait un conseil à donner à d’autres marques souhaitant s’engager dans cette aventure, ce serait de « commencer par le questionnaire, parce qu’il vous oblige à vous poser les bonnes questions. Il faut être honnête, curieux, et accepter qu’on ne fait pas tout bien ».
Une philosophie qui résume bien la démarche Jonak faite d’humilité, d’exigence et de cohérence, sans jamais renier ses valeurs fondatrices.
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Rédaction Hélène Borderie
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