Qui seront les MOF 2026 ?
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Créateur surdoué, Isaac Sellam est passionné par le cuir autant que par l’architecture des vêtements. Diffusées dans le monde entier, dans les plus beaux points de vente, ses créations allient rigueur et fantaisie dans un style fort, immédiatement reconnaissable et qui ne laisse jamais indifférent. Entretien avec un créateur dont la modestie n’a d’égal que le talent.
J’ai passé mon enfance à Paris, dans une famille modeste où la couture était à la fois une culture et une tradition. Quand nous sommes arrivés en France dans les années 1960, mon père a trouvé un emploi en région parisienne dans une usine de costumes et ma mère effectuait de petits travaux de couture à domicile et nous confectionnait aussi nos vêtements. J’ai fait ma scolarité dans une école privée où les fils à papa portaient de beaux habits, chers et griffés. Ce qui m’a incité à utiliser, en cachette, la machine à coudre de ma mère pour me fabriquer des habits aussi beaux que ceux que je voyais sur mes camarades de classe. C’est comme cela que j’ai commencé à coudre.
Peu motivé par la filière scolaire classique, mes parents m’ont inscrit dans un lycée technique formant à l’industrie de l’habillement. C’est là que j’ai vraiment acquis les bases de la couture et du patronage. Un jour, un de mes cousins, qui était styliste chez Jean-Claude Jitrois, m’a donné une peau. J’ai immédiatement ressenti une forte émotion au contact de cette matière dont j’ai d’emblée perçu la noblesse. Cela fut une véritable révélation et dès ce moment, j’ai su que je voulais travailler le cuir. J’ai donc cherché une école spécialisée et trouvé un établissement dans le Marais à Paris où j’ai obtenu un CAP. Me voyant enfin épanoui dans ce qui semblait bien être « ma voie », mon père m’a acheté une machine à coudre le cuir que je lui ai remboursée en deux mois, en confectionnant des blousons pour des amis. À la suite de mon apprentissage, je suis rentré chez Redskins où je suis resté dix ans comme styliste modéliste. En 2000, j’ai intégré l’équipe de Vent Couvert pour concevoir les collections masculines. Au bout de deux ans, un peu frustré par manque de créativité, j’ai quitté l’entreprise.
J’ai lancé ma marque en 2002, avec quelques fournisseurs qui m’ont fait confiance. Ma première collection cent pour cent masculine comportait une dizaine de pièces : des blousons de style biker, dans des cuirs contrecollés, vieillis, du python, mais raffinés, avec des détails subtils et déjà le style qui me caractérise aujourd’hui ; des casques gainés en cuir. Je l’ai montrée au salon Who’s Next, qui m’avait fait un bon prix, et j’ai tout de suite séduit des clients japonais et Le Printemps. Un peu plus tard, j’ai exposé au Pitti Uomo à Florence pour toucher une clientèle plus internationale et j’ai pris un agent italien, ce qui m’a permis de rentrer dans de bons points de vente dans la péninsule.
J’ai travaillé dès mes débuts avec Tsum à Moscou, Isetan au Japon, Pauw à Amsterdam, qui, à l’époque, était mon plus gros client. En France, j’ai d’abord été représenté chez Planisphère et Le Printemps. Quand je me suis lancé dans la femme, j’ai exposé au Tranoï, où j’ai eu beaucoup de succès. La saison suivante, Armand Hadida m’a proposé de participer au Tranoï Homme, où j’ai fait un véritable carton. De grandes boutiques de tous les coins de la planète m’ont commandé des pièces. Ce qui a finalement décidé Armand Hadida à m’intégrer à sa sélection de marques masculines. Depuis 2006, L’Eclaireur est un de mes fidèles revendeurs. Armand Hadida m’a beaucoup aidé, même en portant mes pièces en croco comme un ambassadeur. Aujourd’hui, je compte près d’une soixantaine de points de vente comme Tsum Leform et Project 3.14 à Moscou, Antonioli à Milan, Gente à Rome, Stockman à Tokyo, Fascinate à Osaka, Tom & Co à Séoul, The Library à Londres, Harvey’s à Berlin, Hotovelli à New York, Robin Richman à Chicago, Archive à San Francisco ou Série Noire à Lille.
Je conçois le vêtement comme une seconde peau, selon une approche ergonomique tridimensionnelle. Mes coutures suturées, avec des agrafes détournées de l’industrie agroalimentaire, qui sont une de mes signatures, sont révélatrices de ma conception anatomique du vêtement. Je créé de manière intuitive ; c’est en réalisant que je mets en œuvre mes idées. Il m’arrive de partir d’un croquis, en général plutôt flou. Mais le projet évolue toujours beaucoup au fur et à mesure que la pièce prend forme sous mes doigts. J’aime les vêtements forts, qu’on ne voit pas ailleurs et je cherche à innover chaque saison, même si je conserve des bases d’une collection à une autre.
C’est certainement un blouson en alligator dont l’idée m’est venue à la suite d’un accident : alors que je dérayais la peau pour l’affiner, j’ai fait involontairement des trous sous certaines entre-écailles. J’ai alors entièrement repris la peau avec des petites coutures. Je pourrais aussi citer un blouson en cuir d’éléphant ; mais j’ai arrêté d’utiliser cette peau car l’origine peut en être douteuse.
J’aime tous les cuirs, avec une prédilection pour le crocodile. Mais j’ai besoin de m’approprier les peaux, de les travailler moi-même, pour leur donner un aspect vécu. Par exemple, j’achète les crocos en crust pour les teinter et les finir. J’apprécie particulièrement les grandes peaux dans lesquelles on peut couper de grands morceaux. Mais je sais aussi jouer avec le patronage du vêtement pour éviter certaines coutures, contourner des défauts. Je travaille beaucoup les cuirs vieillis, froissés, lavés, le cuir stretch ou contrecollé. Je recherche les défis techniques, comme les coutures à ultra-sons. Les cuirs trop parfaits, comme l’agneau plongé ou le veau lisse, m’ennuient.
Je suis très fidèle aux fournisseurs avec lesquels je travaille : Rial pour les agneaux lainés, La Molière, Sofa Cuir, Eco Leather, Mastrotto, Montebello, Caravel pour les cuirs exotiques, Cuirs du Futur pour le stretch. J’échange beaucoup avec eux pour innover, développer des articles inédits voire exclusifs, utiliser des cuirs disruptifs comme le cuir réfléchissant, transparent ou thermo-réactif.
Au début, je faisais fabriquer dans une entreprise dans le Tarn qui a malheureusement fermé. Je me suis donc équipé en machines et j’ai embauché des techniciens pour prendre la relève. Je fabrique intégralement mes collections au sous-sol de mon atelier parisien, à l’exception de la maille que je sous-traite. C’est important pour moi de produire ici, en France, même si peu de mes clients sont français. Nous sommes quatorze dans l’entreprise. En 2018, nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros.
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Rédaction François Gaillard
Photos © Jules Hidrot & Lucie Torres
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