« La Minute SLF x LFD », Jo Gilet, Directeur d’Hidexe S.A.
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La start-up française IMKI aide les marques de prêt-à-porter et d’accessoires à s’appuyer sur l’IA et les datas de leur entreprise pour accélérer le temps de création, tout en respectant leur ADN.
Recourir à l’IA (Intelligence Artificielle) pour faciliter la création de nouveaux modèles de chaussures ou de sacs ? C’est la prestation que propose depuis 2020 la start-up alsacienne IMKI, spécialisée dans les solutions d’intelligence artificielle générative d’images, dédiées à tous les métiers des ICC (Industries Culturelles et Créatives), dont la mode.
La promesse initiale n’est pas de remplacer les humains à la création, mais « d’accélérer le processus, d’améliorer l’aide à la décision et de rapprocher le produit de la tendance finale et de la demande du client », explique le fondateur Frédéric Rose. Traditionnellement, créer un produit après avoir détecté une tendance demande en moyenne huit mois. « Avec l’IA, on divise ce temps par au moins trois », assure-t-il. Concrètement, IMKI ne crée pas des collections pour ses clients mais développe pour eux des IA sur-mesure, avant de les former à leur utilisation. L’équipe d’IMKI, composée de data scientists ingénieurs et de quatre stylistes modélistes connaissant le prêt-à-porter comme les accessoires, va entraîner l’IA à dessiner des produits pour une marque ad hoc. « Nos clients nous fournissent les données (images, textes, qualifications…) spécifiques à leurs marques. Nous apprenons aux IA à comprendre leur corpus artistique, leurs codes tels qu’un logo, un motif ou un fermoir spécifique pour un sac, afin de proposer des dessins collant avec l’ADN d’une marque », détaille Frédéric Rose.
« Nous avons été bluffés par la richesse des propositions, témoigne Lisa Nakam, Directrice Dénérale de la marque de chaussures Jonak, qui a travaillé l’an dernier avec IMKI pour sa collection hiver 2024-25, dont certains modèles ont été présentés en 2024 lors du CES (Consumer Electronics Show) à Las Vegas. Le plus impressionnant est le respect de l’ADN de Jonak qui nous rend reconnaissable et que l’on ne retrouve pas chez les concurrents. L’IA arrive à reproduire cet élément subjectif qu’il est difficile de traduire en mots, à comprendre cette subtilité en partant de ce qu’il y a dans notre historique. » Pour la marque, IMKI a ainsi créé un outil en seulement un mois à partir des 5 000 photos, mais aussi de nombreux textes, fournis par Jonak.
Outre une correspondance idoine avec l’univers de la marque, le fait de nourrir l’IA uniquement avec les données propres à l’entreprise, évite l’écueil de la contrefaçon. Une fois l’outil IA conçu, IMKI réalise un test avec l’équipe créative de son client, qu’elle accompagne ensuite pendant trois mois pour la former au “prompting”, l’art et la manière de donner des instructions avant de laisser la main sur l’IA. « Certains vont l’utiliser pour avoir des idées pour un produit, d’autres seulement pour imaginer un détail », explique Frédéric Rose.
« Chez nous, il y a eu deux approches, décrit Lisa Nakam. La première a consisté à la création de nouveautés, sur la thématique du laçage. L’IA nous a proposé beaucoup de choses et nous avons affiné les prompts pour obtenir ce que nous voulions, à la fois en termes de création, mais aussi de faisabilité. La deuxième approche était la déclinaison de modèles qui fonctionnaient bien, l’IA nous permettant de visualiser une multitude de nouvelles versions, avec différentes matières, teintes et finitions et d’en retenir une seule pour l’échantillonnage plutôt que de multiplier les prototypes. »
La dizaine de marques françaises et européennes (Suisse, Belgique, Pays-Bas…) de mode, évoluant dans les segments premium entrée de gamme qui travaillent aujourd’hui avec IMKI, ont des tailles suffisantes pour pouvoir s’offrir un abonnement à ses prestations, soit un minimum de 15 000 euros par an pour un produit. « Mais le panier moyen de nos clients évolue plutôt entre 50 000 et 70 000 euros, ce qui permet de concevoir davantage de produits », précise Frédéric Rose. Ce dernier explique que son outil IA pourrait aussi exploiter, dans la filière cuir, des données industrielles ou artisanales, par exemple celles d’un fabricant de maroquinerie ou d’un tanneur.
IMKI échange d’ailleurs actuellement avec une entreprise jouant un rôle d’intermédiaire entre les tanneries et les marques. « L’idée serait de créer une IA avec des données sensibilisées à celles de différentes tanneries afin qu’un créateur puisse l’utiliser pour savoir quelle tannerie serait plus susceptible de lui fournir des cuirs plus adaptés à sa création. Cet IA permettrait ainsi à l’entreprise de proposer un nouveau service à ses clients. »
En attendant, l’approche disruptive d’IMKI se heurte aussi à des freins. Frédéric Rose évoque « la culture de l’entreprise elle-même. Il faut en effet d’abord que le Top Management souhaite que les process soient modifiés afin que cela ruisselle lors des différentes étapes. Or, cela demande plus de temps qu’on aurait pu imaginer : nous avons été étonnés de voir que même des sociétés plutôt importantes présentent une certaine inertie au changement ».
Côté designers, si « certains sont très contents d’utiliser l’IA, d’autres sont plus réticents ». Même si « en général, ils sont de plus en plus convaincus de l’intérêt de l’intelligence artificielle ».
Chez Jonak, même si Lisa Nakam explique vivement recommander les prestations d’IMKI, elle admet avoir dû retarder la collaboration, ses stylistes ayant besoin de plus de temps pour être prêtes à l’utiliser au quotidien. « Il s’agit en effet d’une nouvelle façon de travailler avec des prompts et non plus avec un papier et un crayon », observe-t-elle. Confrontée par ailleurs à un secteur – la mode – en difficulté, IMKI a aussi commencé à élargir son spectre d’activité pour répondre à d’autres secteurs comme le design industriel automobile ou l’ameublement. « Les process et typologies d’entraînement sont identiques », explique Frédéric Rose, qui souligne « ne pas délaisser la mode pour autant ». Sa société, qui emploie une dizaine de salariés, a quand même vu son chiffre d’affaires être multiplié par quatre pour atteindre 400 000 euros en 2024. Enfin, après deux premières levées de fonds auprès d’un business angel puis d’un Family Office, IMKI « entre dans une phase où il faut de nouveau lever des capitaux dans les 12 à 18 mois à venir », annonce Frédéric Rose.
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Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse
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