Filière cuir : quels métiers et quelles formations pour demain ?

OPCO 2i vient de dévoiler une étude prospective interprofessionnelle avec, à la clef, quatre scénarios possibles, une dizaine de métiers émergents et des recommandations pour permettre aux branches de s’y préparer. Une opportunité pour la filière cuir de revoir ses formations ?

Quatre scénarios prospectifs

Quels seront les besoins et métiers de demain ? Et comment adapter les formations à la nouvelle donne ? Ce n’est pas parce que l’avenir est incertain qu’il ne faut pas essayer de s’y préparer… C’est la réflexion qui sous-tend l’étude prospective de l’Observatoire Compétences Industries, dévoilée récemment. Celle-ci avait été commandée à leur opérateur de compétences, OPCO 2i, par six branches professionnelles. Parmi celles-ci, la filière cuir était bien représentée, via les cuirs et peaux, l’industrie de la chaussure et les articles chaussants et la maroquinerie, à côté de la couture parisienne, du textile et de l’habillement. Lancé fin 2021 par OPCO 2i, l ’Observatoire Compétences Industries est le premier observatoire interindustriel dédié à la vision prospective de l’industrie française.
L’étude a imaginé quatre scénarios prospectifs, et évalué, pour chacun, leur impact sur les métiers et les compétences. Elle intègre aussi des recommandations opérationnelles en termes de formation professionnelle. Les scénarios imaginés dessinent des futurs bien contrastés, avec deux hypothèses plutôt pessimistes ou réalistes, et deux autres plus optimistes.
Le premier, celui d’un monde en « révolution écologique », est « marqué par une forte intensification des attentes » dans ce domaine, « renforcée par la crise du Covid et une volonté partagée de ne plus revenir au monde d’avant ». On peut alors s’attendre à une « croissance plutôt faible mais accompagnée d’investissements accélérés, fortement orientés par la réglementation et les pouvoirs publics ». Confrontées à la remise en cause de leur « business model », les entreprises seront « contraintes de se transformer profondément pour répondre à ces nouvelles attentes ».
Dans le deuxième scénario, plus sombre, le monde affronte une « crise économique et sanitaire longue », marquée par « une aggravation de la crise sanitaire et des risques géopolitiques ». Il connaît « une croissance faible voire nulle ou négative dans certaines zones ».

Maroquinerie savoir faire artisanal cuir
Malgré la montée en puissance de la robotisation/automatisation dans la maroquinerie, le savoir-faire manuel va rester central.

Métiers émergents

Plus optimiste, sans forcément faire rêver, le troisième scénario envisage un « retour au monde d’avant », celui de l’avant Covid, avec à nouveau de la « croissance économique, des flux de personnes et de biens libres et fluides », et « une société qui reste globalement consumériste ».
Enfin, le quatrième scénario imagine un « monde en accélération technologique », où la pandémie a été « maîtrisée par de gros efforts de recherche. Tirée par le progrès technologique », la croissance y est dynamique, avec « une mobilité retrouvée et accélérée des biens et personnes ».
Les auteurs de l’étude ne se prononcent pas quant à la probabilité de chaque scénario. Mais ils identifient dix métiers émergents, variant selon les scénarios. Peu développés aujourd’hui et absents des référentiels métiers, ils sont susceptibles de monter en puissance « dans les trois à cinq ans afin de répondre aux mutations de l’activité des entreprises ».
Plusieurs profils sont liés à l’automatisation ou robotisation croissante de la fabrication. C’est le cas de l’ingénieur robotique/automatismes, de l’ingénieur systèmes, chargé de l’interopérabilité, intégration et optimisation des systèmes d’information ou encore de l’expert en cybersécurité. Ce dernier devra « s’assurer de la sécurité des systèmes d’information pour éviter toute cyberattaque susceptible d’interrompre la production » et d’entraîner « la divulgation de secrets industriels ».
Référent de sa branche pour l’étude, Edgard Schaffhauser, Président Exécutif de la Fédération Française de la Maroquinerie (FFM), croit à l’essor des experts en cybersécurité. Mais si, de façon générale, « les métiers liés à la robotisation-automatisation vont probablement encore se développer », il y aura « toujours une part importante de ce savoir-faire manuel », propre aux marques iconiques du luxe.
La vente à distance débouche aussi sur des compétences nouvelles, comme celles du responsable vente à distance, dans un contexte de multiplication des canaux (métavers, e-commerce…) ou du responsable rétro-logistique, chargé de gérer les produits retournés par les clients.

Edgard-Schaffhauser-Président-Exécutif Fédération Française Maroquinerie
Président Exécutif de la Fédération Française de la Maroquinerie (FFM), Edgard Schaffhauser croit à l’essor des experts en cybersécurité. Mais si, de façon générale, « les métiers liés à la robotisation-automatisation vont probablement encore se développer », il y aura « toujours une part importante de ce savoir-faire manuel », propre aux marques iconiques du luxe.

Les métiers émergents : RSE et développement durable

La RSE et le développement durable nécessitent également de nouvelles aptitudes. Le responsable de ces deux thématiques sera l’intermédiaire indispensable pour déterminer une politique adéquate. Les entreprises feront aussi appel à un coordinateur ACV, soit un ingénieur R&D ou responsable du Bureau d’études spécialisé dans la réalisation des Analyses de Cycle de Vie des produits. Ou de communiquer avec les prestataires, si les ACV sont externalisées. A contrario, dans un contexte d’internalisation du recyclage par les entreprises, le métier d’opérateur de tri des textiles à recycler devrait se développer. Un métier qui ne concerne évidemment pas le cuir.
À la frontière de la RSE, va monter en puissance le responsable éthique, diversité, inclusion, respect des cultures, généralement doté de compétences en anthropologie, ethnologie, sociologie ou juridique. Enfin, de façon transversale, on devrait assister à l’essor des analystes de données, chargés d’analyser et valoriser les données produites à diverses étapes de la chaîne pour optimiser la création, les process industriels et les ventes. Ces nouvelles compétences vont bien sûr exiger des formations ad hoc.

Les besoins de la filière cuir

L’étude met en lumière les besoins particuliers de chaque branche. Pour les Cuirs et Peaux, la transition écologique est prise en compte dans le programme des deux CQP (Certifications de Qualification Professionnelle) existantes (agent de production en tannerie mégisserie et coloriste). En revanche, « le numérique devra être renforcé dans les programmes de certaines » des 27 certifications d’enseignement général ou technique conduisant aux métiers des cuirs et peaux.
Dans le domaine de l’industrie de la chaussure et autres articles chaussants, les compétences du numérique doivent être renforcées chez certaines des 56 certifications permettant d’accéder à ses métiers. La maroquinerie ressort, elle, comme la bonne élève, « les certifications conduisant à ses métiers » répondant « globalement aux évolutions pressenties ». L’évolution de l’offre de formation, « tant dans son contenu que dans ses modalités pédagogiques », pour permettre la montée en compétences des salariés sur les évolutions identifiées (écologiques, numériques, sociétales…) fait partie des trois types de préconisations transversales de l’étude.
Les deux autres axes consistent, d’une part, « à faire connaître les métiers de la branche, leurs évolutions et leurs enjeux » et, d’autre part, à « structurer des démarches de branche autour d’actions collectives ».  Il s’agit notamment d’apporter « une réponse efficace aux nombreux enjeux des entreprises, transition écologique et numérique notamment » et pour lesquels les plus petites ne disposent pas des « moyens humains, techniques et financiers » pour les adresser à leur échelle.
Le premier axe, celui de la communication sur les métiers, est déjà largement ciblé par la filière cuir, engagée par exemple dans la campagne Interfilière “Savoir pour Faire” mise en place par le Comité Stratégique de Filière (CSF) Mode et Luxe
Outre “Savoir pour Faire”, Edgard Schaffhauser évoque deux autres niveaux d’actions collectives (internet, télévision, cinéma, affichage !!!…) en termes de communication sur les métiers, celle transversale à toute l’industrie française, baptisée « Avec l’Industrie » et, enfin, celles propres à chaque branche (présence à des salons de recrutement, etc.).
De façon générale, Edgard Schaffhauser note que des métiers qu’on ne connaît pas aujourd’hui vont encore se développer dans les années à venir… Et il se réjouit de pouvoir s’appuyer sur OPCO 2i pour détecter ces besoins et mettre en place les formations adéquates. Pour sa part, l’organisme explique enrichir régulièrement le catalogue de formations sur les thématiques émergentes. Même si, concernant la dizaine de nouveaux métiers détectés par l’Observatoire, OPCO 2i n’en est encore bien sûr qu’au démarrage.

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Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse

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