La botte camarguaise, labellisée après la charentaise
L’industrie française de la chaussure compte deux indications géographiques (IG). En 2024, les bottes camarguaises s’ajoutent à la charentaise de ...
C’est à Dongen, village du Brabant-Septentrional, ayant abrité l’âge d’or de l’industrie du cuir hollandaise au 19ème siècle, que s’est installée au début des années 2000, une tannerie qui bouscule les traditions. Un choc des cultures en quelque sorte, car ECCO Leather, met un point d’honneur à se démarquer de ses concurrents internationaux haut de gamme, en créant des collections de cuirs à la technicité et aux rendus étonnants et en mettant en avant sa capacité à faire naître l’innovation grâce à des collaborations avec des créateurs venus de tous les horizons. Rencontre avec Panos Mytaros, son Vice-Président Exécutif.
ECCO Leather pourrait faire sienne la devise « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Il est, en effet, rare qu’elle ouvre ses portes aux journalistes. C’est donc emplies de curiosité que nous entrons dans les locaux ultra-modernes de cette tannerie d’un nouveau genre. Née en 2001 de la volonté de la société ECCO, 5ème fabricant mondial de chaussures, de produire elle-même le cuir nécessaire pour alimenter ses quelques 2 000 points de vente en propre et un réseau de 14 000 revendeurs dans le monde, la tannerie, installée à Dongen, fait partie d’un réseau de quatre usines dédiées au travail du cuir. Elle complète celles installées dès les années 90 en Thaïlande, en Chine et en Indonésie, mais se démarque de ces dernières par la volonté affichée de l’entreprise d’en faire, dès l’origine, un centre de Recherche & Développement autour du cuir. Une stratégie qu’ECCO a aussi appliqué à la fabrication de ses souliers, en se dotant d’un centre d’innovation situé au Danemark, nommé Futura et d’un autre au Portugal.
Cette intégration verticale est un moyen efficace pour l’entreprise danoise fondée en 1963, de s’affranchir des fluctuations du marché et de garantir une qualité constante à ses chaussures, qui se positionnent en tête des marques de casual wear moyen/haut de gamme.
Pourvoir aux besoins de la marque mère est donc le tout premier rôle de la tannerie qui produit 7,5 millions de mètres de cuir par an. Pour ce faire, elle propose un catalogue où sont présents des cuirs haut de gamme, traditionnellement utilisés dans la fabrication de souliers et de maroquinerie. Les cuirs de bovins et de veaux sont proposés dans des finitions multiples : embossés, grainés, lavés, imprimés, lavés, enduits… certaines peaux comme le yak ou le chameau sont aussi proposées au catalogue. Mais au-delà de la production de cuirs « classiques », ECCO Leather a une véritable mission innovante au sein de l’organisation.
Pour répondre à cette mission, ECCO Leather a développé une réflexion créative, centrée sur la résolution de défis techniques, plus que sur le développement de produits. La question favorite à laquelle Panos Mytaros aime soumettre ses équipes est : « Est-ce que du cuir peut faire cela? » Pour susciter ce questionnement, l’entreprise recherche ce que Panos Mytaros nomme des « éléments perturbateurs ». « Je pense que ceux qu’il faut surveiller sont les petits acteurs qui font bouger le marché, plutôt que les grands groupes de luxe et pour ECCO, se poser la question : « Est-t-on en capacité de trouver ce perturbateur ? est essentiel », nous confie-t-il.
Pour trouver ces individus capables de penser différemment et de pousser le cuir dans ses retranchements, ECCO Leather a créé en son sein un studio de réflexion créative, l’Open Circle Lab. Des créatifs de tous horizons y sont employés et d’autres invités pour laisser libre cours à leurs idées et travailler avec les techniciens de l’usine sur la faisabilité de leurs projets. Les cuirs ainsi développés pourront, dans 20% des cas, après avoir subi des tests qualitatifs, rejoindre le catalogue d’ECCO Leather. Panos Mytaros insiste sur le fait que l’entreprise cultive ce développement au cas par cas, comme dans un atelier, et que ce tissu créatif intégré à l’équipe leur permet de créer leurs propres tendances, sans jamais avoir recours aux prescriptions des bureaux de style.
Il en émerge un catalogue associant un positionnement esthétique fort associé à divers niveaux de technicité. On trouve chez Ecco Leather des cuirs transparents, aux teintes fumées, dans la gamme Apparition, utilisée par des créateurs comme Off-White, mais aussi des peaux qui changent de couleur au contact de la chaleur grâce à un réactif, les Kromatafor, ou bien le Glow worm, dont les pigments interagissent avec la lumière pour créer, une fois, dans le noir un subtil réseau réflectif niché dans le grain de la peau. Une propriété qui combine esthétisme et utilitarisme, dans la création d’accessoires ou de vêtements réfléchissants pour assurer la sécurité sur les routes de nuit, par exemple.
En contre-collant du Dyneema®, matière textile hyper résistante brevetée issue du polyéthylène et du cuir, ECCO crée un cuir où l’entoilage, comme une triplure dans un costume, va donner au cuir une nouvelle main plus sèche et ligneuse qui crée des cassures et des pliures. Bien entendu, le Dyneema® Bonded Leather devient par cette association beaucoup plus résistant que du cuir simple, sans pour autant se parer des vertus anti balistiques pour lesquelles le Dyneema® est parfois utilisé. L’innovation a parfois ses limites.
C’est cet esprit, où audace et innovation se mêlent adroitement au marketing, qui attire les clients chez ECCO Leather ; et si l’entreprise ne participe pas aux salons professionnels, c’est parce que « Nous n’en avons pas besoin, car les gens viennent à nous pour l’unicité de nos produits » ainsi que nous l’explique Panos Mytaros. Mais c’est aussi parce qu’ECCO a crée un événement unique qui les remplace avantageusement.
Tous les ans, pendant quatre jours, ECCO Leather réunit à Dongen une centaine de designers, directeurs artistiques, artistes, créatifs, ingénieurs et techniciens dans le cadre d’un festival international autour de la création et du cuir, nommé Hot-Shop. Cette alternative aux salons permet de réunir des participants venus de tous horizons à réfléchir à de nouvelles pistes créatives autour de la matière cuir. Un travail d’équipe en ateliers pluridisciplinaires permet l’émergence de prototypes de nouveaux cuirs innovants, mais Panos Mytaros insiste sur le fait qu’il ne s’y déroule aucune activité commerciale. En réunissant ces créatifs novateurs, qui sont aussi des prescripteurs de premier plan auprès de grandes marques dans tous les domaines, qu’il s’agisse de mode, d’accessoires, de décoration, de technologie, ECCO peut bien mieux que lors d’un salon, faire la démonstration de son savoir-faire. Un double gain d’idées neuves et de débouchés novateurs pour les participants et l’organisateur.
Un des domaines dans lesquels ECCO investit mais reste relativement discret est celui de l’écologie et du développement durable. Une réserve qui prend sans doute son origine dans la conviction, que nous expose Panos Mytaros, que l’activité de tanneur ayant, par nature, un fort impact sur l’environnement, s’assurer de la réduction de cette empreinte est un prérequis indispensable et pas un argument commercial. Un point de vue louable, qui n’empêche pas ECCO de se lancer dans la recherche de nouveaux procédés de production favorisant l’économie des ressources.
L’entreprise a développé très tôt l’idée qu’elle se devait de laisser une trace minimale sur l’environnement. Mettant en place un processus exigeant, elle a obtenu en réduisant les ressources consommées pour la production et en s’assurant de la maximisation du recyclage des déchets et la réutilisation des matériaux, le Gold Standard remis par le Leather Working Group à toutes ses tanneries.
En ce qui concerne les techniques de tannage végétal, ECCO Leather a développé une gamme de cuirs bovins nommée Neo Nude, vantée plus pour ses qualités esthétiques et la patine naturelle des peaux, que pour son procédé de tannage à base de mimosa ou de quebracho, plus respectueux de l’environnement. Le focus est, ici, mis sur l’oxydation naturelle et le fait que la matière est évolutive. Dans le domaine de la teinture naturelle, True Indigo est une collection mettant en avant une technique permettant d’obtenir les mille nuances de l’indigo naturel, sans transfert au contact, contrairement à l’indigo sur textile. Une qualité qui a intéressé l’éditeur de design néerlandais Moooi, qui l’a récemment présenté lors d’un atelier sur son stand au Salon del Mobile à Milan.
Poussant un peu plus loin ECCO Leather a récemment fait la démonstration d’un nouveau procédé de tannage sans eau, nommé DriTan™. Cette technologie brevetée, utilise des agents tannants spécifiques développés par ECCO, qui expriment l’eau présente dans les molécules de collagène du cuir, sans avoir besoin d’ajouter de l’eau au processus. Une économie d’eau fabuleuse en perspective, pour une industrie qui consomme au niveau mondial 400 milliards de litres d’eau par an, mais aussi la possibilité d’installer des tanneries là ou l’eau n’est pas présente. Le cuir bovin issu de ce procédé a rejoint récemment le catalogue d’ECCO Leather et donné lieu au lancement lors du World Water Congress de Tokyo l’an dernier d’un modèle exclusif du modèle classique d’ECCO, Soft 8, distribué uniquement au Japon. On ignore pour le moment si en dehors des peaux produites, le procédé a été vendu à d’autres tanneries, mais il pourrait offrir de beaux débouchés commerciaux à ECCO Leather et positionner l’entreprise au premier plan de l’innovation technique.
Rédaction Hélène Borderie
L’industrie française de la chaussure compte deux indications géographiques (IG). En 2024, les bottes camarguaises s’ajoutent à la charentaise de ...
Dans sa boutique-atelier installée dans les Cévennes, Jimmy Grandadam, professionnel de l’écologie reconverti, répare les chaussures et fabrique et ...
Depuis plus de soixante ans, Chaussures de Gatine chausse les professionnels du monde agricole. Mais pas que. Reprise en 2021, l’entreprise se modernise tout ...