Le cuir fait le jeu de la déco

Aavo mobilier cuir bois Clémentine d'Aspremont Menayas
L’architecte Clémentine d’Aspremont-Menayas lance Aavo, sa première ligne de mobilier en bois et cuir français.

Les professionnels de la décoration d’intérieur, de l’ameublement, du design et plus largement de l’art de vivre ont retrouvé le sourire. Les nouveautés 2023 ont rencontré un large succès lors de leur présentation à Paris. Elles ont fait l’objet de nombreux lancements en janvier dernier à l’occasion du salon Maison&Objet et des divers événements organisés simultanément, Maison&Objet In The City, Paris Déco Off, Paris Déco Home. Le secteur évolue avec élégance et innovation. Croisant la tradition et la modernité, le cuir s’impose en matière protagoniste de nouvelles propositions. Techniques de précision et design minimal jouent un rôle de premier plan afin d’optimiser nos intérieurs.

Piet Boon accessoires bureau cuir Rabitti 1969 by Giobagnara
Piet Boon réalise pour la première fois des accessoires de bureau en cuir de sellerie, fabriqués artisanalement chez Rabitti 1969 by Giobagnara.

Des objets à l’audace affirmée

Natalia Brilli connaît bien le cuir. Elle en a fait sa matière de prédilection depuis les années 2000, où elle est révélée à Paris avec ses bijoux gainés de cuir. Primée par l’ANDAM en 2006, elle construit un univers singulier, inspiré des vanités. L’art du détournement nourrit, chez elle, une démarche artistique proche des « ready made » de Marcel Duchamp. Les pièces qu’elle réalise séduisent d’autant plus qu’elles troublent la perception… Depuis la pandémie, la créatrice belge est revenue dans son pays natal. Elle a aussi pris un nouveau virage qu’elle a choisi de présenter à l‘occasion du salon Maison&Objet. « Je me suis recentrée sur le sur-mesure et m’oriente vers l’architecture d’intérieur, précise-t-elle. Mais j’aime toujours que les objets gardent la trace de la main. » Les dernières pièces de Natalia Brilli sont volontiers hybrides et monochromes, tel le mini tabouret Octopus aux pieds torsadés librement inspirés de tentacules. La corde, qu’elle a toujours intégrée à ses collections, sert d’anse, par exemple, à une coupe multiusages en céramique. L’upcycling représente aussi un nouvel axe de développement. Les coquillages et les fers à cheval, doux au toucher, lisses ou veloutés, ont ainsi été soigneusement chinés et Natalia Brilli se fournit désormais dans les stocks dormants aux larges choix de peausseries. Piet Boon transpose, à sa manière, une philosophie zéro déchet similaire. Invité pour la première fois par le spécialiste italien d’objets en cuir pour la maison Giobagnara, le studio néerlandais a conçu la collection Fold dédiée au bureau. Porte stylo, sous-main, casier à papier, boîte polyvalente, corbeille sont tous réalisés à la main en cuir de sellerie par les artisans de Rabitti 1969. Naturellement épais et résistant, le cuir est soigneusement plié afin de valoriser l’intégralité de la matière. La face avant – lisse et brillante – et la face envers – rugueuse et mate – soulignent un contraste particulièrement esthétique. Chaque accessoire est en soi un objet « raisonné » à la pureté très sculpturale.

Poltrona Frau canapé cuir Ouverture Pierluigi Cerri
Poltrona Frau réédite le canapé Ouverture, quarante ans après sa création par Pierluigi Cerri.

Assises aériennes

Le canapé Ouverture date du début des années 80 mais il n’a pas pris une ride ! Sa réédition, quarante ans plus tard chez Poltrona Frau, a fait partie des événements parisiens du début d’année. Pierluigi Cerri, à l’origine, présentait ainsi son concept innovant. « Ouverture repose sur une structure brutaliste. Elle rompt avec le formalisme de l’époque et son conformisme bourgeois. » Le design simple, au premier abord, s’appuie sur des emprunts à l’architecture industrielle. L’acier perforé compose ainsi piètement et traverse en « T », tel un squelette. Le contraste avec les coussins en cuir souple, généreux et moelleux, aux surpiqures raffinées, est d’autant plus marqué. L’ensemble se révèle élancé, comme flottant en apesanteur. Nicola Coropulis, CEO de la maison de mobilier italienne, explique facilement le succès d’Ouverture. « Il conjugue parfaitement le design industriel des années 80 et le confort inhérent à Poltrona Frau. Aujourd’hui, il reflète notre mode de vie contemporain. » La nouvelle version est fidèle à la première, à quelques ajustements près. L’architecte designer (disparu en novembre dernier) a supervisé son ultime projet jusque dans les moindres détails. Le dossier a été relevé, l’assise a gagné quelques centimètres de profondeur et les coussins ont réduit leur gonflant pour offrir un confort plus accueillant. Un cuir nubuck, disponible en sept coloris, vient enrichir la large gamme de peausseries propres à Poltrona Frau. Clémentine d’Aspremont-Menayas, elle, a dévoilé sa première ligne de mobilier à Paris, même si elle en dessine régulièrement dans le cadre de ses projets sur mesure d’architecture. Aavo propose des « essentiels » de l’ameublement : une chaise avec ou sans accoudoirs, une chaise longue, une table basse gigogne. « C’est une gamme évolutive, précise l’architecte designer qui s’est illustrée aux États-Unis avant de fonder son agence à Paris et à Bruxelles. J’avais envie de réaliser un exercice plus personnel, à une autre échelle que celle de l’architecture et de travailler autour de la rondeur. » Un design en porte-à-faux insuffle du mouvement à ses silhouettes incurvées. Clémentine d’Aspremont-Menayas a choisi d’associer deux matériaux durables entièrement produits dans l’hexagone : le bois (hêtre cintré, placage de chêne et de noyer) et le cuir de la tannerie Tassin. Décliné en gris ou blanc cassé, le cuir est gainé par Eloi Sellerie, alternant des strates claires ou plus foncées sur chacune des pièces. La collection, qui joue avec la lumière, se veut légère, démontable et peu encombrante.

Quand l’innovation prend le pas

Duvivier Canapés compte parmi les références hexagonales de l’ameublement. Sur le salon Maison&Objet, la marque participait avec une quinzaine de maisons de luxe françaises, en partenariat avec l’Ameublement Français, à une exposition de haute facture, scénographiée par le designer décorateur d’intérieur Pierre Gonalons. Le fabricant, labellisé Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV), a hérité d’un savoir-faire d’ébénisterie datant de 1840. Racheté en 2016, Duvivier Canapés a pris un nouveau départ, faisant du design un tremplin pour l’innovation. Guillaume Hinfray a pris les commandes de la direction artistique en 2019. Pour lui, le confort, la matière, l’esthétique ne font qu’un. Son fauteuil cabriolet Jacques, à la fois pur et compact, est une référence à la géométrie de l’art déco. Une couture pincée distingue l’angle du coussin avec élégance. Duvivier Canapés fait la part belle au cuir français. Le cuir pleine fleur de taurillon, tanné chez Rémy Carriat, est son produit phare. Le spécialiste a aussi enrichi son savoir-faire avec le tressage enfilé. « Il s’agit d’une technique très présente dans la mode et la maroquinerie mais peu utilisée dans notre secteur, explique Estelle Wierzejewski, en charge du marketing. En 2022, nous l’avons introduite dans notre pratique artisanale. Les lanières sont finement coupées au laser puis tressées une à une à la main. Une grande dextérité est indispensable. » Ces tressages en damier offrent un large choix personnalisable de compositions en relief, contrastées, ton sur ton… La chilienne Emile se réinvente ainsi sous une nouvelle apparence. Quant au Berlingot, il combine en souplesse, élégance et décontraction. Studioart est un autre spécialiste du cuir, très prisé des décorateurs d’intérieur. La marque de revêtements muraux est née en 2007 à l’initiative de la tannerie familiale Montebello. Elle est dirigée par Massimo Brancati (troisième génération), qui n’a de cesse d’explorer le cuir de vache et de repousser ses limites en décor mural. La présentation des nouvelles collections dans le cadre de Paris Déco Off est à chaque fois un rendez-vous très attendu. Après Couture en 2022, Materia puise son inspiration dans la nature. Les trois dernières gammes de Studioart transforment l’imperfection, l’irrégularité en qualité intrinsèque à forte valeur ajoutée. C’est le cas de Neo au caractère délavé « vintage » et de Terra, librement inspirée des tracés cartographiques. Sa couture manuelle et texturée dessine à la surface un relief aléatoire. Mais c’est assurément Lapis, qui captive l’œil par son alliance inédite de deux matériaux naturels. Le cuir lisse, légèrement bombé, et la pierre brute se juxtaposent ainsi en bandes verticales soigneusement agencées. Le mur révèle tout son potentiel graphique ultra visuel.

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Rédaction Nadine Guérin

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