Rose Saneuil repousse les limites de la marqueterie
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Faire des chaussures de sport une solution au problème de pollution marine liée aux plastiques, dont elles sont traditionnellement grandes consommatrices et émettrices, voilà une gageure qui stimule la créativité d’Eugène Riconneaus. Le designer français, bien connu pour ses escarpins raffinés qui n’ont d’égal que ses chaussures de skate en cuir, s’est lancé un nouveau défi stylistique et technique, à la hauteur de ses convictions environnementales. Pari réussi avec ces premières sneakers françaises conçues à partir de déchets marins, en deux combinaisons colorielles, proposées d’ores et déjà en précommande.
Les chaussures de sport occupent actuellement la moitié du marché en unités vendues dans le monde, représentant 81 milliards d’euros de ventes*, dont 4 milliards en France pour l’année 2021. On ne peut occulter le fait que leur production croissante est grandement consommatrice de plastique, dont très peu est recyclé. Sneakers et autres baskets génèrent au cours de leur vie 1,4%** des émissions de gaz à effets de serre mondiaux, un apport non négligeable quand on sait que le transport aérien est lui responsable de 2,5%.** Le problème principal réside dans la combinaison des différents types de plastiques, majoritairement neufs, utilisés et liés entre eux par des colles, rendant le processus de recyclage extrêmement complexe. Plus de 85% des baskets usées se retrouvent dans les ordures ménagères et sont incinérées. Une partie de ces déchets finira en mer et se joindra à d’autres, nés eux, de la pêche. Avec 14 millions de tonnes de plastique déversés chaque année dans les océans, dont 10% sont des filets de pêche, de multiples ONG et industriels de par le monde s’attèlent au sujet de la récupération et de la revalorisation de ces déchets, obtenant des résultats contrastés.
Les filets fantômes désignent ces équipements de pêche, perdus ou abandonnés en mer, qui déséquilibrent les ressources halieutiques et l’environnement sous-marin. Des campagnes de collecte sont organisées par des associations, certaines ayant même développé des matériaux recyclés qui, cependant, combinent la plupart du temps une proportion minime de filets de pêche avec d’autres plastiques. On peut ainsi citer Parley for The Oceans, qui recueille le plastique marin et les filets fantômes grâce à un réseau de pêcheurs répartis dans 30 pays et a développé un fil polyamide, Ocean Plastic®, qui rentre dans la composition de l’empeigne d’une gamme de sneakers conçues par Adidas. Seaqual, en Espagne travaille avec plus de 2 500 pêcheurs en Méditerranée et recycle mécaniquement des filets de pêche pour en faire du fil composé à 10% de filets de pêche. Seule Fil&Fab, entreprise brestoise, propose un matériau 100% filets de pêche recyclés, Nylo®, un polyamide 6 en granulés, qui a trouvé des débouchés dans la confection de boîtiers de montres et de lunettes de soleil.
Eugène Riconneaus a mené une réflexion totalement originale et locale autour de ce problème souhaitant utiliser uniquement des filets de pêche collectés dans le golfe de Gascogne, mais aussi des déchets bio marins. Le design a été guidé par les matières qu’il a mises au point. Avec ER Soulier l’idée est véritablement de trouver une alternative à des matériaux vierges et de jouer à plein sur l’usage de ressources recyclées qui ne seront pas remises en circulation en fin de vie, via un système de consigne. C’est aussi une pensée guidée par le souci d’une action très localisée, pour ne pas importer de matériaux de l’étranger, dans un écosystème qui lui est familier, lui qui a grandi entre terre et mer dans la région charentaise.
Associant ses qualités d’artiste et de designer, son amour de la glisse qui aiguise son envie de protéger cet océan qu’il connait si bien, mais aussi un sens aigu des aspects humains et sociaux liés à la pêche, il a pensé un soulier qui, au lieu d’ajouter au problème, contribuerait en partie à sa résolution dans un mouvement régénératif dépassant le seul geste de recyclage. Tous les filets de pêche qu’il utilise sont recueillis et traités localement dans le golfe de Gascogne par des associations employant d’anciens pêcheurs. Mais les filets fantômes ne sont pas les seuls à créer de la pollution locale. L’activité de conchyliculture génère sur la côte atlantique une seconde source de pollution qu’il a voulu aussi adresser, celle liée aux déchets bio marins. Vingt tonnes de déchets de fruits de mer, coquilles de moules et d’huîtres essentiellement, sont rejetées quotidiennement sur les côtes de Bretagne et d’Aquitaine. À ces déchets s’ajoutent des algues toxiques qui acidifient le milieu marin.
De ces deux sources de pollution, Eugène Riconneaus a tiré des ressources qui viennent compléter la palette matérielle qui lui a inspiré ses sneakers, pour un recyclage novateur de ces déchets bio marins, qui rentrent désormais dans la composition des semelles au même titre que les filets de pêche recyclés. Le créateur a aussi concocté un pigment bleu unique qui vient teinter la semelle d’usure des souliers. Quasiment 80% des matériaux utilisés pour produire les baskets ER Soulier sont recyclés, qu’il s’agisse de caoutchouc, de liège recyclé ou de chutes de cuir.
La production est réalisée dans un atelier familial portugais proche de l’océan, gardant ainsi une certaine cohérence de localisation et évitant des transports éloignés, trop grands consommateurs de ressources fossiles. Ainsi les baskets d’Eugène Riconneaus peuvent se targuer de ne générer que 8kg de CO2 au cours de leur cycle de vie, d’après une analyse indépendante menée par Carbon Fact. Une belle performance comparée à la moyenne du marché de 15kg et à certains modèles leaders du marché qui émettent jusqu’à 45kg.
En harmonie avec son approche de production raisonnée, Eugène Riconneaus lance ses modèles en précommande via le site de financement participatif Ulule, évitant ainsi toute surproduction.
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Sources :
* Statista Research Department, secteur de la chaussure-Faits et Chiffres- Décembre 2021.
**Measuring Fashion: Insights from the Environmental Impact of the Global Apparel and Footwear Industries study Quantis 2018.
Rédaction Hélène Borderie
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