La botte camarguaise, labellisée après la charentaise
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Le cœur à l’ouvrage et le fabriqué en France chevillé au corps : à la tête de Vidal Sport, Anne et Franck Vidal, sont fiers du label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) de leur entreprise, la première labellisée à Graulhet. Soit la reconnaissance d’un engagement sans compromission au sein du marché de la combinaison moto, accaparé à 70% par une sous-traitance étrangère, un cuir de kangourou aux vertus non optimales pour ce produit technique, une économie de matière… Quitte à laisser la sécurité du pilote sur le carreau.
Une vision entrepreneuriale à des années-lumière du couple graulhetois fustigeant la tendance de la combinaison jetable, de mauvaise qualité. En 2005 cesse son partenariat d’équipementier avec les pilotes de l’Équipe de France… Face au fléau de l’importation à bas coûts, l’entreprise est alors « sauvée » par l’équipée de motards sanctionnés par le permis à point ! Une manne pour les circuits moto amateurs… Et Vidal Sport devient l’équipementier prisé d’une nouvelle clientèle en quête du plaisir de rouler sur les pistes avec « une bonne combinaison à garder longtemps ». Les trente ans de l’entreprise, l’année prochaine, pourraient être marqués par la création de modèles inédits, songe Franck Vidal, issu d’une lignée de mégissiers. Dès l’enfance, il déambule parmi les ouvriers qui le trimballent dans les brouettes. Le monde du cuir, il est tombé dedans très tôt. Comme son grand-père et son père, il devient mégissier, en 1984. Or sa passion pour la course moto, avec classement au niveau national, l’orientera, à partir de 1994, vers le monde de la confection. Toujours dans cette usine qu’il a passé sa vie à rénover, et où il a toujours vécu. Et qui, aujourd’hui, suscite la curiosité de ses clients belges et suisses. « La première chose qu’ils font, s’amuse-t-il, c’est prendre une photo de la bâtisse : ‘Waouh ! ça existe les trucs comme ça !’ Alors j’explique le métier de mégissier : tous les galetas qu’on voit à l’extérieur, destinés à sécher le cuir et, en bas, le travail humide ou sec. Et après, on parle de combinaison moto. »
Pourquoi privilégier la matière millénaire pour confectionner la combinaison moto, et non le Kevlar® aussi utilisé (une fibre synthétique reconnue comme cinq fois plus résistante que l’acier et beaucoup plus légère) ou d’autres matériaux ?Voilà le point clé que Franck Vidal prend le temps d’expliquer aux clients pour valoriser la spécificité de son produit de haute qualité, en cuir de vachette, destiné à durer et sécuriser le pilote. « Je suis obligé, insiste-t-il, de respecter un critère d’absorption de choc, de résistance à l’abrasion, à la déchirure et à la perforation. » Grâce à ses propriétés d’abrasion et d’adhérence au contact du goudron, le cuir freinera le corps, et donc la vitesse de la chute. Autre avantage : le cuir évitera les brûlures, contrairement aux matières synthétiques, dénuées de propriétés abrasives, et transmettant la chaleur à travers le corps. Aujourd’hui, le marché de la combinaison moto utilise surtout le cuir de kangourou à la structure de fibre plus serrée, plus dense, dotée d’une résistance plus forte à la perforation, mais, objecte l’ancien champion, « sans aucune résistance à la déchirure ». Et de se désoler : « c’est du cuir, mais il y en a très peu. » Son épaisseur ? 0,8mm. In fine, peut-on encore appeler cela du cuir ? De quoi bien différencier ces combinaisons jetables des intemporelles Vidal Sport avec lesquelles, témoigne-t-il, « on peut tomber à 200 ou 300 km/h sans les trouer. »
Il est des clients pour qui une combinaison Vidal Sport est un peu comme un sac Kelly ! On se transmet le bien précieux de génération en génération dans des familles de pilotes orientés moto 100% loisir, pratiquant le circuit amateur. « Nous avons quelques belles histoires de transmission familiale de la combinaison Vidal Sport, et nous trouvons cela exceptionnel ! », se réjouit le duo graulhetois. « Personnellement, c’est la satisfaction d’un travail reconnu qui n’a pas de prix. Parfois aussi, d’anciens clients délaissent leurs combinaisons jetables et reviennent vers nous. Pour eux, seule la Vidal a une valeur. » Car son savoir-faire, renchérit l’entrepreneur, c’est la création « du confort mélangé à la protection ». Comme un jockey en équitation, « la position de crapaud » du pilote exige de l’aisance à créer sur l’extension des jambes, des genoux, des bras. Le tout façonné dans le cuir non élastique. La couture du cuir de vachette sur du stretch permet de créer des ressorts à positionner, ici et là, pour les extensions. Ces ressorts en cuir mesurent 1,2 mm minimum, alors que d’autres marques peuvent utiliser une épaisseur de cuir de 0,8 mm, seulement. « Pour nous, s’insurge l’ancien champion, cela ne convient absolument pas, parce que vous avez besoin de résistance ». Pour les endroits de chute, l’épaisseur du cuir dépasse les 6-7 mm sur une combinaison Vidal Sport. Jamais seule, une couture est souvent entrecollée avec du cuir, doublée, surpiquée, parfois renforcée par trois coutures. La combinaison sera cousue à l’envers, en une quinzaine d’heures, pèsera 5kg, soit 500g de plus que les autres. Et si Vidal Sport a pu trouver ses cuirs auprès des mégissiers graulhetois Joqueviel & Cathala, La Molière ou Mégisserie du Midi, se fournir en emporte-pièces sur-mesure auprès de BFM, la partie formation a été une tout autre histoire !
En 1994, quand le mégissier-pilote décide de se reconvertir, il ne connaît rien de ce nouveau métier. Même s’il vit dans la ville tarnaise qui a « le cuir dans la peau », les professionnels qui savaient réaliser les patrons de vêtements en cuir n’arrivaient pas à préformer une telle combinaison. « Il y a trente ans, à Graulhet, la forte activité du cuir n’incitait pas à la création de cette niche. Il fallait donc se former. » Direction Toulouse où une professeure est prête à relever le défi : la mise au point du patronage d’une combinaison moto idéale. Cela aura pris trois mois, puis trois ans pour créer le premier produit. « Et pour commencer à m’amuser, il m’a fallu cinq années supplémentaires. Aujourd’hui, mon travail, c’est un amusement. Je le connais par cœur. » Quant à Anne Vidal, chargée de « jouer au puzzle » à partir d’une caisse contenant 70 à 100 pièces à monter à plat, sur une machine, elle a commencé, par nécessité il y a six ans, à apprendre le métier de piqueuse. « Notre piqueuse partait à la retraite. Et les personnes qui se présentaient pour la formation en interne ne restaient pas. Elles n’imaginaient pas travailler seules ou ne s’adaptaient pas à la machine. » Or c’est un savoir-faire clé, avec la particularité du montage de la combinaison à réaliser simultanément par la coupe et le piquage.
Refusant les alléchantes offres de sous-traitance fusant à tout-va sur le marché de la combinaison moto, la pépite artisanale graulhetoise poursuit sa route, à sa façon, par un bouche-à-oreille qui a fait merveille !
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Rédaction Stéphanie Bui
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