MIF Expo 2024, quatre jours dédiés à la production française
Du 8 au 11 novembre, MIF Expo, le Salon du Made in France, tiendra sa douzième édition Porte de Versailles à Paris où plus de 100 000 visiteurs sont ...
Sommées de travailler d’arrache-pied à l’aune des défis de la gestion des politiques RSE, comment les entreprises peuvent-elles accélérer au mieux le changement ? Rencontre avec Sylvie Bénard, figure incontournable du développement durable dans la mode en France. Chercheuse chez Hennessy de 1983 à 1992, cette ingénieure agronome de formation y réalise ses premières analyses de cycle de vie des produits. En 1992, elle dresse ses premiers bilans carbone. Puis, la même année, cap sur Rio pour assister, à titre personnel, au premier Sommet de la Terre. Dans la foulée, le groupe LVMH lui propose de diriger sa Direction de l’Environnement qu’elle contribue à créer. Son poste jusqu’en 2019. À présent, l’heure est venue pour l’experte de transmettre son savoir par moult missions : le conseil via son entreprise La Dame à la Licorne, les présidences de la fondation AgroParisTech et de l’association Paris Good Fashion fédérant les acteurs français de la mode pour la rendre plus « responsable ». La Dame à la Licorne veille au grain. Elle exhorte les entreprises à décloisonner les services, les incite au dépassement des a priori, en appelle à l’utilisation de données fiables et aux questionnements de tous les maillons de la chaîne de valeur. Elle rassure : la solution unique et idéale n’existe pas. Et de prévenir : l’échec sera de la partie avant la réussite d’une politique RSE. In fine, un sujet originellement technique devenu stratégique et relevant, plaide-t-elle, de la direction de la stratégie de l’entreprise.
Il y a une dizaine d’années apparaissaient des directeurs RSE ou Développement Durable. Il s’agissait alors de produire un rapport RSE, répondre à des questionnaires et rencontrer des parties prenantes. Depuis environ quatre ans, il ne s’agit plus de présenter une belle stratégie RSE destinée à la communication, mais de parvenir à changer le fonctionnement d’une entreprise : ses produits et son modèle économique pour intégrer, de manière concrète, les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux. Ces sujets tellement importants devraient être complètement intégrés dans la stratégie de l’entreprise. C’est encore rarement le cas. Je pense que ce sera la prochaine étape. Pour l’heure, je ressens la volonté des entreprises de travailler avec des professionnels dotés d’une double connaissance et prêts à concrètement changer les pratiques, les comportements et les produits. Par exemple, un directeur des achats aura intégré les enjeux sociaux et environnementaux dans son métier, alors qu’auparavant émergeaient des « acheteurs développement durable ». Une tendance que l’on ne peut néanmoins pas généraliser. Quel que soit son métier, cela implique donc, au préalable, une connaissance des sujets liés à l’environnement, au changement climatique, à la biodiversité, aux droits du travail etc. Or nous n’y sommes pas encore. Reste à l’entreprise d’y remédier en dispensant des formations. Un peu comme l’Académie de l’Environnement que j’avais réalisée chez LVMH pour aider les professionnels à comprendre les enjeux de leur métier, leur rôle, à se poser les bonnes questions, à travailler ensemble pour trouver les bons outils. À eux de prendre les décisions.
Dans le monde de la mode, on observe beaucoup d’a priori comme : « Il faut utiliser du recyclé », « du cuir vegan ». Il faut essayer de les décrypter et interpeller les professionnels : « Attention, d’où vient le polyester recyclé ? Où est-il fabriqué ? » Nous devons les informer sur les microparticules de plastique, l’interdiction d’utiliser l’expression « cuir vegan »,… ; leur demander : « Vegan, qu’est-ce que c’est ? » Et quand ils rétorquent « Non ce n’est pas du plastique, c’est une matière fabriquée à partir de telle plante », nous devons les inciter à approfondir : « Renseignez-vous sur le pourcentage de cette plante utilisée », etc. L’esprit critique doit être encouragé face à tous ces a priori et pour trouver des solutions intelligentes soit déjà sur le marché, soit à même d’être créées par l’entreprise. Un point important : tout cela doit être basé sur de la donnée sérieuse, fiable et objective, de la recherche scientifique. Paris Good Fashion réalise ce travail de recueil de la donnée scientifique avec l’association Climate Chance qui publie, tous les ans, des données chiffrées, par secteur. Notre travail sur ces données sera certainement achevé en janvier 2023.
C’est là où la prise de conscience et l’explication doivent être exprimées avec beaucoup de respect parce que le professionnel croit bien faire. L’upcycling, par exemple, c’est très bien, mais qui faites-vous travailler, dans quelles conditions, pour quelles rémunérations ? Ce n’est pas parce que vous faites de l’upcycling que vous pouvez ignorer son aspect social. Autre exemple : les fibres recyclées, c’est bien, mais de quelles fibres parle-t-on, comment sont-elles recyclées, pour quelle durabilité,… À force d’être recyclée, la fibre raccourcira au point de presque devenir inutilisable pour confectionner un produit de qualité. Nombre de vêtements en matières recyclées ne sont pas résistants car la fibre est devenue courte. Et il faut l’expliquer. De même, la question du pourcentage doit être prise en compte. Vos produits présentés comme « éco-conçus », le sont-ils à 90% ou est-ce une petite collection capsule alors que rien ne change dans l’entreprise par ailleurs ? Vos sneakers recyclées, le sont-elles vraiment, ou cela concerne-t-il seulement 3% de la semelle ?
Les marques ne vont plus pouvoir dire n’importe quoi. En France, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) a défini des règles, dont certaines interdisent à présent de proclamer des allégations du type « mon produit est responsable », « mon produit sauve la planète ». Par ailleurs, la communication des marques est, depuis le 30 mars 2022, soumise à une nouvelle réglementation européenne en matière de protection des consommateurs. Elle exige de permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés et respectueux de l’environnement lorsqu’ils achètent leurs produits, de savoir pour quelle durée d’utilisation un produit est conçu et, le cas échéant, comment il peut être réparé. En fait, cette réglementation renforce la protection des consommateurs contre le greenwashing.
Souvent le sujet devient vite passionnant, car il permet aux collaborateurs de se poser des questions auxquelles ils n’avaient pas pensé auparavant. L’imagination naît de la contrainte. Il faut s’appuyer sur les personnes prêtes à s’impliquer, qui ont envie de faire bouger l’organisation.
C’est à la fois plus facile et difficile pour les petites entreprises. Effectivement plus difficile de par les contraintes mais la petite entreprise flexible peut agir plus aisément qu’un gros paquebot. Par ailleurs, un vrai travail de coopération entre l’entreprise et le donneur d’ordre est nécessaire. Par exemple, si le donneur d’ordre souhaite renforcer l’innovation, il ne faut pas mettre tout le poids sur le fournisseur. Des coopérations pourraient se concrétiser comme cela a déjà commencé dans la mode. L’éco-conception exige de penser à l’ensemble du cycle de vie du produit. Si vous arrivez à embarquer les partenaires, ceux-ci parviendront peut-être à trouver des solutions réduisant l’impact de votre produit dès sa base. Il faut arriver à récréer un type de relation client-fournisseur, car c’est ensemble qu’on crée des solutions. Je recommande de réunir une fois tous ensemble ses principaux fournisseurs afin d’exposer la stratégie de l’entreprise. Réfléchir à un nouveau mode de fonctionnement avec ces derniers implique de viser le long terme et de ne pas changer de fournisseurs par collection. De son côté, celui-ci peut oser proposer des solutions, tandis que le donneur d’ordre peut lui laisser une marge de manœuvre lors de ses commandes.
La grande difficulté réside dans l’absence de solution unique. La solution pour l’entreprise A ne sera pas celle de l’entreprise B car les fournisseurs, les clients, les matières diffèrent. La solution ne peut être qu’adaptée à son entreprise. Puis, c’est un sujet systémique, d’équilibre. Il faut bien comprendre que la solution absolument parfaite n’existe pas. Lorsqu’on agit sur un point, d’autres points seront impactés. Il faut donc parvenir à maintenir une vision de l’intégralité de la chaîne de valeur de l’entreprise. Si, par exemple, je demande à un acheteur de me trouver un super coton bio et qu’il me l’envoie par avion, ce choix de coton bio s’avère inutile. Il faut savoir privilégier une solution qu’on sait imparfaite, mais la meilleure à un moment donné. Parvenir à prendre des décisions dont on est incertain est aussi de mise. Il faut accepter l’erreur, la reconnaître et régler le problème le plus vite possible. L’erreur fait partie du cheminement, car si vous attendez que tout soit parfait partout – ce qui n’existe pas -, vous n’avancerez pas.
Tout ce qui relève de l’éco-conception, de l’éco-innovation. Et ce qui concerne le comportement des consommateurs. En témoigne le nouveau code vestimentaire durable publié par l’Académie des Oscars. Il faut en passer par là car le message de ces personnalités compte.
L’idée est d’arriver à mêler la vision très créative apportée par l’IFM aux connaissances scientifiques sur l’origine, la culture, la transformation des matières premières agricoles présentes dans le monde de la mode, ainsi que tous les procédés de transformation utilisant des techniques de biochimie. Cette rencontre entre deux expertises complètement différentes peut générer des approches plutôt innovantes et durables : éventuellement cultiver différemment, changer de matière première naturelle, de procédé de transformation. Cela aura un impact en générant de nouveaux types de créativité du côté du design. C’est un exemple vers lequel tendre, à savoir réellement mettre tout le monde autour de la table. Que chacun apporte ses connaissances en vue d’un travail collectif. Que cesse le travail en silo encore très prédominant.
En vue d’avancer avec efficacité, les pays, avec les Nations unies, ont créé les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD). L’enjeu de préserver un sol vivant en est un. Retourner aux fondamentaux reste indispensable. L’objectif n’est pas de sauver la planète, parce que la planète sera là, même s’il n’y a plus d’Homo Sapiens. L’idée, c’est de sauver l’Homo Sapiens. Distinguons l’utilisation galvaudée du mot à la mode du devoir de rendre de nouveau les sols vivants. Quant au cuir, la question dépasse l’aspect agricole. Il me semble que les relations entre éleveurs, transformateurs, tanneries et utilisateurs du cuir sont réellement en train de bouger. Cela signifie cesser les silos, créer des coalitions. Dans notre société où le rapport au monde agricole s’est grandement affaibli, je pense que l’enseignement des sujets environnementaux dès le plus jeune âge peut recréer du lien avec le capital naturel de la Terre et ce qu’il nous apporte.
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Rédaction Stéphanie Bui
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