Le développement durable constitue un enjeu majeur pour la filière cuir. En parallèle, la pression règlementaire s’accroît fortement en Europe. Aujourd’hui, toute marque membre de l’union est dans l’obligation de garantir la totale innocuité de ses produits sur la santé humaine et l’environnement. Pour y parvenir, il est nécessaire, en particulier, de suivre le règlement REACh qui, depuis 2007, recense évalue et contrôle les substances chimiques fabriquées ou importées en Europe. Retour sur les principes de base d’un règlement en perpétuelle évolution et mise en perspective des projets en cours.
Le point sur les différentes réglementations au niveau européen
Il existe en Europe un grand principe fondateur en matière de sécurité des produits. Il s’agit de l’obligation générale de sécurité définie par la directive 2001/95/CE et intégrée en France dans le Code de la consommation. En vigueur depuis 2007, le règlement REACH vient compléter cette obligation générale en fixant des contraintes liées aux substances chimiques. À noter qu’au niveau européen il existe également d’autres règlements concernant les substances chimiques. « On a tendance à ne parler que de REACh, mais ce n’est pas la seule réglementation. Il existe, par exemple, deux règlements qui sont tout aussi obligatoires à respecter que REACh par toutes les sociétés qui veulent mettre des articles sur le marché européen. Il s’agit du règlement 528/2012 sur les produits biocides et du règlement 2019/1021 concernant les polluants organiques persistants (POP) qui vient d’être publié fin juin », rappelle Céline Astruc, Consultante Développement Durable à CTC*, l’institut technologique de référence pour le secteur français de la Mode & Distribution, Luxe, Sport et Équipements de Protection Individuelle. En pratique, les États membres réalisent des contrôles et retirent du marché les articles non conformes au fur et à mesure qu’ils sont détectés. Tous les rappels de produits dangereux (danger chimique, risque de blessures ou d’étouffement, etc.) sont recensés au sein de la base européenne Safety Gate (ex Rapex). Celle-ci est publique, gratuite et accessible à tous. Elle permet de constater que, sur l’année 2018, le risque chimique représente le risque le plus élevé. « En effet, 25% des alertes remontées par les autorités compétentes des différents États membres concernaient des non-conformités chimiques. Depuis le début de l’année 2019, plusieurs rappels pour non-conformité au chrome VI dans la chaussure, la ganterie et l’habillement en cuir, ont été répertoriés », indique Céline Astruc. Cela montre que le risque chimique est un véritable enjeu pour la filière cuir sur le marché européen.
Les substances extrêmement préoccupantes (SVHC)
Le règlement REACh définit trois types d’obligations pour les fournisseurs d’articles : la restriction, la communication et l’autorisation. Trois catégories de contraintes qui sont vraiment très différentes pour les industriels en termes d’impact. Il impose, notamment, des contraintes spécifiques pour les substances identifiées comme extrêmement préoccupantes (en anglais SVHC pour « Substances of Very High Concern »). Ce sont les substances qui répondent à au moins l’un des critères de dangerosité suivants :
- – Substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégorie 1A ou B (CMR) ;
- – Substances persistantes, bioaccumulables et toxiques, ou très persistantes et très bioaccumulables ;
- – Substances qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui des 2 catégories précédentes, par exemple les perturbateurs endocriniens.
Sur proposition d’un État membre, une substance peut être officiellement identifiée comme substance SVHC. Elle est alors inscrite dans la liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d’une autorisation (dite « liste candidate »). L’objectif de l’Union Européenne, à terme, est d’interdire ces substances SVHC en les inscrivant à l’annexe XIV du règlement REACh intitulée « liste des substances soumises à autorisation ». Les substances chimiques inscrites dans cette annexe sont interdites d’utilisation sur le territoire européen, sauf si une autorisation est accordée, au cas par cas. « Il ne s’agit pas d’une interdiction des SVHC dans les articles mais d’une interdiction dans les procédés industriels afin, par exemple, que les employés qui les manipulent ne soient pas exposés à ces substances dangereuses ou que celles-ci ne soient pas rejetées dans l’environnement. Or, le fait que cette interdiction ne soit pas liée à un article entraîne que tous ceux qui sont fabriqués hors de l’Union Européenne et qui contiennent ces substances SVHC peuvent être vendus en Europe. Les articles importés contenant des SVHC ne sont soumis qu’à une obligation de communication », explique Céline Astruc. REACh exige que si la concentration de la substance SVHC dans un article est supérieure à 0,1% (= 1 000 mg/kg), le fournisseur doit obligatoirement en informer ses clients. Cette obligation de communication s’applique à l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement à partir du premier émetteur sur le marché européen. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une vente au consommateur final, la communication est obligatoire uniquement sur demande de celui-ci avec un délai de réponse de 45 jours. En résumé, pour les SVHC, REACh associe deux types de contraintes bien distinctes : une obligation de communication et, pour celles dans l’annexe XIV, une interdiction d’usage en Europe.