Le fabricant Maison Boinet, basé en Indre-en-Loire depuis 1858, sort de sa zone de confort. À la collection initiale d’accessoires en cuir (ceintures, petits bracelets, sacs) de sa marque propre née en 2010, il vient d’ajouter une nouvelle famille : des vases en cuir.
Mis en lumière sur son stand lors du dernier salon Who’s Next début septembre à Paris, ces objets de décoration venaient prolonger, par leur touche ultra design et color block, l’univers déjà très moderne de la marque. Avec de nombreuses combinaisons : la quinzaine de modèles disponibles peuvent être déclinés dans la riche palette de coloris (une cinquantaine !) du catalogue matières de la marque. « Devant la baisse d’appétence pour la mode, nos clients multimarques référencent de plus en plus de produits lifestyle, notamment pour la maison », explique Bruno Jourd’hui, à la direction générale depuis une douzaine d’années. Rachetée en 2005 par l’homme d’affaires Dominique Vigin, la Maison Boinet, qui compte 30 salariés, dont 22 à la production, est alors sortie du giron familial. Pour autant, cette Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) met au point et fait encore tout fabriquer dans son centre de recherche et son atelier basés près de Tours. Les cuirs utilisés (nappa, vachette, un peu d’agneau…) proviennent, eux, d’Italie.
Ce n’est pas la première fois que Maison Boinet élargit son périmètre. Depuis sa création en 1858 à Château-Renault, une région à la forte culture cuir, elle a fait fortement évoluer son activité. À l’origine, elle était centrée sur la sous-traitance, les ceintures masculines et le marché français. À partir de 2010, elle s’adresse également à la femme et se développe à l’export avec le lancement de sa marque éponyme haut de gamme. Aux ceintures sont venus alors se greffer de petits bracelets en cuir puis des sacs.
Sous l’impulsion de Bruno Jourd’hui, la maison a aussi transformé et épuré ses codes stylistiques. Car le directeur général a une particularité. Avant ses études dans une école de commerce – pour rassurer ses parents -, cet artiste contrarié a suivi une préparation aux écoles d’art à l’Atelier de Sèvres. Un itinéraire qu’il ne regrette pas et qui lui « a permis de conjuguer la démarche produit à la réalité commerciale », confie-t-il.
Si les collections de Maison Boinet sont à la fois belles et vendables, cela n’a rien d’un hasard. Aux côtés de deux maquettistes, Bruno Jourd’hui invente les nouveaux modèles. Mais, les pieds sur terre, le directeur général veille aussi à conduire la maison dans la tempête. « Pendant le Covid, nous avons préféré réduire la voilure et le nombre de créations de moitié à environ 25 modèles par saison », explique-t-il. Lors du Who’s Next, la collection avait repris son précédent format, montant même jusqu’à 70 modèles, vases compris.
La clientèle multimarques de la marque s’était pour sa part rétractée pendant la pandémie. Mais la signature avec des agents belge et allemand a permis de retrouver le nombre pré-pandémique, environ 200 détaillants en France et Europe. Le haut du panier, avec toujours une présence à Paris au Bon Marché et à la Samaritaine, et ailleurs dans les boutiques les plus “select”.
Le grand export a, lui, marqué une pause. En Chine, la clientèle s’est volatilisée et il a fallu fermer le showroom de Shanghai, pandémie oblige. À l’avenir, Bruno Jourd’hui aimerait trouver un partenaire sur ce marché si compliqué. Le dirigeant a aussi bon espoir que les clients japonais, qu’il n’a pas vu depuis trois ans et se sont réduits à une vingtaine de clients multimarques contre une centaine auparavant, reviennent en force. D’après les agents qu’il a rencontrés récemment, le pays s’est en effet recentré vers des fournisseurs locaux pendant l’épidémie. « Mais aujourd’hui les magasins proposent tous la même chose et ils veulent différencier leur offre. »
Autre source d’espoir pour l’international, la maison a enregistré plus de commandes de détaillants étrangers (Israël, Espagne, Italie…) que français au dernier salon. Pour autant, elle mise aussi sur la reconquête du marché hexagonal. En attendant, alors que son chiffre d’affaires était réalisé à 60% avec sa marque propre et 40% avec la sous-traitance, le ratio est aujourd’hui de 30-70%. « Mais l’objectif est de réinverser la tendance », indique Bruno Jourd’hui. Il continue toutefois de fabriquer pour les private labels d’une large palette de donneurs d’ordre, des petits créateurs aux grands magasins en passant par les marques de prêt-à-porter haut de gamme. Et même une des trois plus belles maisons françaises de luxe dont l’exigence les a beaucoup « fait progresser ».
Fort de son made in France d’excellence, Bruno Jourd’hui compte bien reconquérir le terrain perdu ces derniers mois. Le chiffre d’affaires de Maison Boinet avait fondu à 1,2 million d’euros avant d’atteindre 2 millions d’euros en 2021 (dont 40% à l’export). Il vise les 3 millions d’euros cette année, soit le niveau de 2019. Mais avec une part de l’export toutefois inférieure à celle (60%) précédent le grand choc de la pandémie.
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Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse