Le luxe accélère sur les nouvelles technologies

Joelle de Montgolfier Etude Bain Luxe Technologie
« Les nouvelles technologies imposent une révolution culturelle au luxe en termes d’organisation, de modes de travail et de talents », Joëlle de Mongolfier (Bain & Company).

On se souvient du retard à l’allumage des acteurs du luxe face à l’émergence d’internet et, plus encore, du commerce en ligne. Depuis, le secteur a bien évolué si l’on en croit la nouvelle étude “Luxe et Technologie” de Bain & Company, commandée par le Comité Colbert.
Même si elle n’est pas encore la première de la classe, « l’industrie du luxe accélère son rythme d’adoption des nouvelles technologies », explique le cabinet d’études en se basant sur plusieurs sources. Soit les données des 75 maisons du Comité Colbert, une vingtaine d’entretiens réalisés avec des dirigeants de ces dernières, de consortiums ou de partenaires technologiques mais aussi les documents et l’expérience de Bain & Company. « Cette approche ne se réduit pas au digital, souligne Joëlle de Montgolfier, la Vice-Présidente exécutive des pôles Grande Consommation, Distribution et Luxe chez Bain & Company. Mais elle englobe une sélection de seize technologies plus ou moins matures, pas forcément en lien avec le numérique et susceptibles d’intéresser la filière. Soit parmi les plus émergentes : blockchain, métavers, NFT, analyse neuronale, gants et écrans haptiques, holographie et recyclage moléculaire. Et parmi les plus mûres, l’identification par fréquence radio, l’impression ou imagerie 3D, les réalités augmentée et virtuelle, l’inspection optique automatisée, l’intelligence artificielle et machine learning pour l’optimisation des processus ou pour l’engagement client…

La Mode-Maroquinerie à la quatrième place

Premier enseignement : les maisons sondées ont adopté en moyenne 2,3 technologies sur le panel de seize. Aucune technologie n’a été adoptée par la majorité du secteur et seules la RFID, l’impression et l’imagerie 3D ont un taux supérieur à 30%. Par ailleurs, les maisons testent, ou envisagent de déployer dans les trois ans, 3,2 autres technologies en moyenne.
Parmi les différents segments du luxe, la Mode-Maroquinerie n’arrive qu’à la quatrième place, avec en moyenne deux technologies adoptées en partie ou partiellement, et trois en phase de test ou envisagées d’ici trois ans. Les Parfums-Cosmétiques sont en revanche les champions du palmarès (respectivement quatre technologies et six testées/envisagées), suivis de la Joaillerie-Horlogerie (trois et cinq) et des Vins-Spiritueux (deux et quatre).
Pour la filière cuir, parmi les technologies à suivre de près figurent, pour l’expérience client, les gants et écrans haptiques grâce auxquels les internautes perçoivent à distance les matières. En amont, l’inspection optique automatisée permettant de découvrir dans une peau des défauts invisibles à l’œil nu, a aussi de l’avenir. Et plus en amont encore, les biotechnologies, via l’arrivée de produits de synthèse à partir de cellules souches animales se présentant comme des alternatives au cuir, pourraient bousculer le secteur.  
De façon plus générale, les innovations suscitant le plus d’intérêt – tous segments confondus du luxe – sont les fameux NFT et métavers (le fameux web 3.0), ou encore la blockchain, l’holographie, les gants et écrans haptiques, l’analyse neuronale et le scanner. 

Le web 3.0 a de l’avenir

Si elles ne sont que 5% de pionnières à les avoir déjà adoptés, la moitié (51%) des maisons sondées mènent des expérimentations sur le métavers et les NFT. « Avec raison », souligne Joëlle de Montgolfier, qui y voit « le moyen de multiplier les points de contact et de s’adresser à une future clientèle, des jeunes passant toujours plus de temps sur les plateformes au détriment des magasins. Selon Bain, le web 3.0 devrait se tailler une part de marché du luxe de 5 à 10% d’ici 2030.
Si les acteurs du luxe recourent aux nouvelles technologies, c’est d’abord pour répondre à trois préoccupations : l’engagement client, l’excellence opérationnelle et la robotisation et, dans une moindre mesure, le développement durable. Pour le premier objectif, tout ce qui permet une expérience augmentée, personnalisée, fluide et sans couture entre les différents canaux de distribution est plébiscité. En revanche, « si les entreprises ont bien mesuré les impératifs du développement durable, elles n’ont pas encore vraiment ciblé les outils technologiques à son service », note Joëlle de Montgolfier. Même si l’excellence opérationnelle rejoint en partie cette problématique. L’intelligence artificielle au service des prévisions de ventes permet ainsi de limiter surproduction et stocks, et donc de limiter l’empreinte carbone.

Freins à l’adoption

Plusieurs freins continuent cependant de ralentir l’adoption des technologies. Presque la moitié (49%) des maisons évoquent la pertinence limitée des cas d’usage. Le manque de compétences pose aussi problème à 37% d’entre elles. « Certains profils, notamment dans le web 3.0, sont rares et le luxe va devoir travailler son attractivité employeur », explique Joëlle de Montgolfier. En revanche, seulement 19% évoquent une distorsion avec l’ADN de la maison – preuve s’il en est que le luxe ne peut plus être taxé de technophobie – et 15% des coûts trop élevés. Sans surprise, les maisons adossées à un groupe ont adopté en moyenne deux fois plus de technologies que les acteurs indépendants. Avec un retard plus accentué dans les technologies émergentes chez les seconds qui ont rattrapé leur retard pour les plus mûres. D’où l’une des recommandations avancées par Bain & Cie – mettre en commun les forces – pour doper l’usage des technologies de façon plus homogène, dans la filière. Cela peut passer par des initiatives ciblant une technologie précise comme Aura pour la blockchain, rassemblant depuis l’an dernier LVMH, Prada et Cartier. Avec les limites d’un tel consortium, synonyme de transparence des données entre concurrents. Bain recommande aussi à la filière de veiller davantage sur d’autres secteurs plus avancés en matière de technologies, comme la distribution ou “la mass-fashion”. Enfin, une véritable « révolution culturelle » s’impose au sein des maisons en termes d’organisation, de modes de travail, de talents. « Les organisations sont parfois très contrôlées, tout remontant à un état-major très conservateur. Or, la technologie est multi-fonctionnelle, il faut réunir les gens ensemble », remarque Joëlle de Montgolfier.  Et d’appeler à un « décloisonnement des organisations » pour que la technologie infuse l’entreprise.

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Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse

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