Légendaire Birkin !

Quel est le point commun entre une floppée d’influenceuses en quête de reconnaissance, une icône de la chanson, un ancien footballeur japonais, un homme d’affaire, un sellier parisien, Samantha Jones, Victoria Beckham, ou encore une experte de la mode vintage ? C’est une histoire de hasards et de rencontres, qui verront la naissance de ce qui peut être considéré comme le it-bag absolu… Paris, Juillet 2025, en pleine fashion week Haute Couture, c’est un tout autre événement qui va faire s’emballer la planète mode, celui de la vente par Sotheby’s, du tout premier Birkin Hermès.

En avion…

Ou quand Jane Birkin décida d’abandonner ses sempiternels paniers en osier pour le sellier du faubourg Saint-Honoré… Début des années 80 à bord d’un vol Paris-Londres, la chanteuse, actrice, muse, mais aussi mère de famille – elle a trois filles, Kate Barry, Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon –, le hasard place à ses côtés Jean-Louis Dumas qui, cinq ans plus tôt, a repris les rênes de la maison Hermès fondée par son arrière-grand-père. Ils ne se connaissent pas. Entre ces deux esprits, la conversation s’anime : Jane Birkin laisse échapper de ses mains son agenda Hermès dont s’échappe feuillets et papiers divers. Jean-Louis Dumas l’aide alors à rassembler ses effets, Jane Birkin bougonne, « si Hermès mettait des poches ! Aucun agenda ne peut contenir tous ses documents, aucun sac n’est jamais assez grand, ni n’a assez de poches ! », Jean-Louis Dumas, sans doute amusé, propose alors à la chanteuse de lui réaliser le sac idéal. Ils échangent, ils griffonnent (il se murmure même que n’ayant pas suffisamment de papier, un premier croquis fut tracé sur le sac à vomi de l’avion). Jean-Louis Dumas repart avec les croquis et des idées, et c’est dans les ateliers Hermès que les artisans finalisent ce tout nouveau modèle.

Incontournable…

Catherine B, antiquaire de la mode, experte vintage Chanel et Hermès à Paris, explique, photographies du couple Gainsbourg-Birkin à l’appui, que ce qu’a réclamé la chanteuse, c’est la réplique du modèle Haut à Courroies de Serge, dans une version moins grande, avec bandoulière, poches intérieures et coupe-ongles. Jean-Louis Dumas retient et fait donc réaliser ce modèle dans ses ateliers. Il en expédie un à la chanteuse, lui demandant s’il peut l’appeler le Birkin, elle accepte. Il doit être aussi beau ouvert que fermé, solide et stable, Jane Birkin ayant l’habitude de voyager ; suffisamment spacieux et logeable, c’est pour cela que son fond est complétement plat. Et c’est donc en 1984 que ce sac répondant à toutes ces exigences voit le jour : il est alors proposé en cinq tailles. Viennent ensuite les finitions et détails, expression du savoir-faire maison : bords astiqués, piqué sellier. Il faut 48 heures pour fabriquer un de ces modèles. C’est la première fois qu’une célébrité participe ainsi à la conception d’une création qui portera son nom. Rapidement, il devient un incontournable de la maison, au même titre que le Kelly. Objet de désir et de fantasme, véritable signe extérieur de réussite, les listes d’attente s’allongent. Dans les ventes aux enchères, les prix s’envolent, comme ce modèle en crocodile fuchsia au fermoir incrusté d’or et de diamants, adjugé à plusieurs centaines de milliers de dollars. Même si Catherine B, dans sa boutique parisienne « Les 3 marches de Catherine B » de la rue Guisarde, a pu avoir entre ses mains les plus excentriques versions de Birkin, crocodile blanc, fermoirs endiamantés…, sa préférence va aux modèles plus anciens, ceux qui ont une patine, une histoire, comme ceux en box.

Mythologique…

Le 5 octobre 1994, l’association AIDES organise une vente de charité « Les enchères de l’Espoir ». Jane Birkin offre son Birkin, le tout premier donc. C’est quelques années plus tard, en 2000, à l’Hôtel des Ventes du Palais à Paris que l’on retrouve ce sac déjà devenu iconique. Le catalogue de la vente le décrit ainsi : « Sac « Birkin » en box souple noir, anse bandoulière. (manque cadenas et clef, traces d’autocollants). HERMÈS, Paris, Made in France, Provenance : Madame Jane Birkin, premier Birkin fait par la Maison Hermès, certificat joint. » Où l’on apprend ainsi que Jane Birkin a apposé sur son sac des autocollants. Il est aussi embossé de ses initiales. C’est une des premières ventes consacrée à la maison Hermès (comme il s’en fera par la suite de nombreuses autres). Ainsi se retrouve le 12 et 13 mai 2000, dans cette salle des ventes, antiquaires de la mode, collectionneurs, responsable du patrimoine Hermès…et au téléphone, Catherine B. En 2019, je rencontre celle qui est encore propriétaire de ce modèle, et il faut s’entendre conter par l’experte le récit de cette vente : au passage de ce lot se joue dans la salle une véritable bataille d’enchères, puis coup de marteau et c’est finalement Catherine B qui l’emporte, abasourdie et décontenancée, ne réalisant pas encore qu’elle possède désormais une pièce fondamentale de l’histoire de la mode ! Ce sac, Catherine B l’a, à ce jour, prêté à trois reprises pour des expositions-événement ; « Move Expo » au troisième étage des Galeries Lafayette en 2000 consacrée à la mode vintage, dans le grand magasin londonien Liberty en 2014, et en 2017-2018 au MoMa à New-York pour l’exposition « Is Fashion Modern? » qui recensait les 111 pièces les plus iconiques de la mode, au côté du Levi’s 501, des Converse All Star, de la little black dress de Chanel, du smoking Yves Saint Laurent… Les New-Yorkais ont pu découvrir le Birkin de Jane, archétype du sac de luxe.

People…

Sac prisé des influenceuses, mais aussi de Victoria Beckham qui en possèderait plus d’une centaine, de Kim Kardashian, de Lady Gagaqui a eu l’étrange idée de s’acharner à coup de marqueur et de clous sur le sien… Indissociable du sellier, repensé au gré des collections dans de nombreuses variantes et associations de matières, tissu pied-de-poule, sérigraphié du dessin d’un carré de soie de Dimitri Rybaltchenko, miniature en or rose et pavé de diamants imaginé en 2012 par Pierre Hardy en charge des lignes souliers et joaillerie de la maison. Variation de proportions aussi avec ce format allongé pour le printemps-été 2025, le JPG Birkin (réédition d’un modèle imaginé par Jean Paul Gaultier lors de son passage à la direction artistique du prêt-à-porter). En 2001, la flamboyante Samantha Jones de « Sex and the City », incarnée par Kim Catrall, tente d’en faire l’acquisition, dans le magasin Hermès de Madison avenue. En rupture de stock, elle a alors l’idée d’emprunter le nom de sa nouvelle cliente, Lucy Liu. Il en restera cette réplique culte du vendeur : « It’s not a bag. It’s a Birkin ! »

Record…

Et donc ce 10 juillet 2025, le Birkin de Jane s’apprête, lors de la vente « Fashion Icons » dont il est évidemment la masterpiece, à changer de main. Il s’envole pour la somme record de 8,5 millions d’euros (avec les frais). Le nom de l’acheteur ne sera dévoilé que quelques jours plus tard, Shinsuke Sakimoto, ancien footballeur japonais reconverti dans la revente d’articles de luxe. Ce dernier précise, par voie de presse, que les qualités muséales du Birkin n’en font pas (pour l’instant) un objet destiné à la revente.

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Rédaction Florent Paudeleux

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