Incontournable…
Catherine B, antiquaire de la mode, experte vintage Chanel et Hermès à Paris, explique, photographies du couple Gainsbourg-Birkin à l’appui, que ce qu’a réclamé la chanteuse, c’est la réplique du modèle Haut à Courroies de Serge, dans une version moins grande, avec bandoulière, poches intérieures et coupe-ongles. Jean-Louis Dumas retient et fait donc réaliser ce modèle dans ses ateliers. Il en expédie un à la chanteuse, lui demandant s’il peut l’appeler le Birkin, elle accepte. Il doit être aussi beau ouvert que fermé, solide et stable, Jane Birkin ayant l’habitude de voyager ; suffisamment spacieux et logeable, c’est pour cela que son fond est complétement plat. Et c’est donc en 1984 que ce sac répondant à toutes ces exigences voit le jour : il est alors proposé en cinq tailles. Viennent ensuite les finitions et détails, expression du savoir-faire maison : bords astiqués, piqué sellier. Il faut 48 heures pour fabriquer un de ces modèles. C’est la première fois qu’une célébrité participe ainsi à la conception d’une création qui portera son nom. Rapidement, il devient un incontournable de la maison, au même titre que le Kelly. Objet de désir et de fantasme, véritable signe extérieur de réussite, les listes d’attente s’allongent. Dans les ventes aux enchères, les prix s’envolent, comme ce modèle en crocodile fuchsia au fermoir incrusté d’or et de diamants, adjugé à plusieurs centaines de milliers de dollars. Même si Catherine B, dans sa boutique parisienne « Les 3 marches de Catherine B » de la rue Guisarde, a pu avoir entre ses mains les plus excentriques versions de Birkin, crocodile blanc, fermoirs endiamantés…, sa préférence va aux modèles plus anciens, ceux qui ont une patine, une histoire, comme ceux en box.
Mythologique…
Le 5 octobre 1994, l’association AIDES organise une vente de charité « Les enchères de l’Espoir ». Jane Birkin offre son Birkin, le tout premier donc. C’est quelques années plus tard, en 2000, à l’Hôtel des Ventes du Palais à Paris que l’on retrouve ce sac déjà devenu iconique. Le catalogue de la vente le décrit ainsi : « Sac « Birkin » en box souple noir, anse bandoulière. (manque cadenas et clef, traces d’autocollants). HERMÈS, Paris, Made in France, Provenance : Madame Jane Birkin, premier Birkin fait par la Maison Hermès, certificat joint. » Où l’on apprend ainsi que Jane Birkin a apposé sur son sac des autocollants. Il est aussi embossé de ses initiales. C’est une des premières ventes consacrée à la maison Hermès (comme il s’en fera par la suite de nombreuses autres). Ainsi se retrouve le 12 et 13 mai 2000, dans cette salle des ventes, antiquaires de la mode, collectionneurs, responsable du patrimoine Hermès…et au téléphone, Catherine B. En 2019, je rencontre celle qui est encore propriétaire de ce modèle, et il faut s’entendre conter par l’experte le récit de cette vente : au passage de ce lot se joue dans la salle une véritable bataille d’enchères, puis coup de marteau et c’est finalement Catherine B qui l’emporte, abasourdie et décontenancée, ne réalisant pas encore qu’elle possède désormais une pièce fondamentale de l’histoire de la mode ! Ce sac, Catherine B l’a, à ce jour, prêté à trois reprises pour des expositions-événement ; « Move Expo » au troisième étage des Galeries Lafayette en 2000 consacrée à la mode vintage, dans le grand magasin londonien Liberty en 2014, et en 2017-2018 au MoMa à New-York pour l’exposition « Is Fashion Modern? » qui recensait les 111 pièces les plus iconiques de la mode, au côté du Levi’s 501, des Converse All Star, de la little black dress de Chanel, du smoking Yves Saint Laurent… Les New-Yorkais ont pu découvrir le Birkin de Jane, archétype du sac de luxe.