Avec Mileage, le cuir tient la route
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La pièce unique, l’objet d’exception, démonstration de savoir-faire, complice du contemporain ou compagnon de route de la tradition et du classique, bien souvent le cuir se trouve être la matière qui chemine à la réalisation de ces objets qui se font remarquer ! Forts de symboles ou semblant n’avoir été pensés que pour la contemplation et l’apparat, des objets loin de la banalité et dont le matériau cuir participe de cette interrogation entre matière et design, entre cuir et fonction. Deux beaux objets, d’hier et d’aujourd’hui, deux objets pourtant des plus commun, mais dont l’histoire justement n’a rien de commun : une boite et une table… mais pas n’importe lesquelles !
Petite révolution de palais, c’est définitivement que le chiffre de S.M. la reine Elizabeth II, EIIR pour Elizabeth Regina, a été remplacé par celui du nouveau souverain S.M. le roi Charles III, CIIIR, sur les fameuses Despatch boxes, connues aussi sous le nom de Red boxes. Ces boîtes en réalité, mallettes de cuir, sont peut-être le symbole le plus tangible du travail et de l’activité politico-diplomatique de la couronne. Elizabeth II aura été photographiée pour sa dernière photo officielle, avec cette boîte, pour son jubilé de platine. Elle ne dérogeait à la consultation de celle-ci que le jour de Noël et le dimanche de Pâques. Charles III aura donc, tous les jours que durera son règne, chaque matin, à ouvrir lui aussi cette boîte rouge. À l’intérieur, l’ensemble des informations, documents, projets de lois en discussion au Parlement, notes confidentielles, mais aussi coupures de presse relatant des affaires du royaume et des États du Commonwealth, mais aussi tous les décrets et lois nécessitant la signature du roi. Ces documents sont préparés puis envoyés par le bureau du secrétaire privé au roi, où qu’il se trouve, quotidiennement, immuablement dans ces mallettes de cuir rouge verrouillées. L’on raconte que dans sa jeunesse, le père d’Elizabeth II lui aurait conseillé de toujours commencer par renverser le contenu de la boîte car, lui aurait-il expliqué, on te mettra toujours ce que l’on voudrait éviter que tu lises au fond de la boîte. On ne sait si la souveraine aura suivi la méthode de Georges VI, ni même si elle conseilla de faire de même au futur Charles III. Car c’est désormais, bien au nouveau souverain qu’il revient de perpétuer cette tradition et ce, même à l’heure des communications virtuelles et autres mails. Le 23 septembre 2022, à minuit, Buckingham a diffusé, sur les réseaux sociaux, un cliché montrant Charles III assis à son bureau, une boîte rouge ouverte, celle-ci débordant de documents vers lesquels il se penche. Derrière lui, l’on aperçoit une photographie de ses défunts parents.
Malette de cuir rouge, fabriquée par Barrow Hepburn & Gale, elle est toujours embossée du monogramme du souverain. Le roi Charles ayant décidé de réutiliser celle de sa mère, celle-ci a donc été restaurée par la maroquinerie remplaçant le chiffre de la reine par celui du roi en feuille d’or. L’inscription « the Queen » a également été remplacée par « the King ». Elizabeth II avait déjà réutilisé la boîte de son père George VI, qui avait aussi appartenu à son grand-père George V. Charles III a donc décidé de garder cette mallette, qui porte encore la mention de George V au niveau du cadenas.
La maroquinerie Barrow Hepburn & Gale est fondée en 1760 par John Hepburn, un tanneur du Yorkshire qui emménage à Londres, et Samuel Barrow. Grâce à l’acquisition et fusion de plusieurs entités, l’entreprise devient l’une des plus importantes manufactures d’articles en cuir de Londres. Elle fournit, pendant la première Guerre Mondiale, des articles de sellerie et fourreaux pour l’armée. La maison s’illustre aujourd’hui par la conception d’articles en cuir pour la couronne et le gouvernement britannique, dont les fameuses Red boxes qu’elle fabrique depuis 1860 selon le même procédé artisanal, dans ses ateliers. Armature en pin, doublée de plomb et de satin de noir afin de garantir l’étanchéité du contenu en cas d’immersion, recouvert de cuir rouge grain épi, une fabrication de trois jours est nécessaire pour façonner cet objet. La serrure est placée à l’opposé des poignées de la boîte, afin que celle-ci puisse être ouverte sans encombre par son propriétaire, lorsqu’elle est posée sur un bureau. Ce choix de la couleur rouge, il reviendrait au prince Albert, prince consort, époux de la S.M. la reine Victoria, qui aurait choisi ce coloris en référence aux armes de sa famille, les Saxe-Cobourg et Gotha. Ainsi les Despatch boxes, au Royaume-Uni, demeurent autant cet objet d’apparat et de tradition qu’un mode de circulation des informations entre les plus éminentes personnalités, roi ou ministres… Des ministres qui, à la fin de leur mandat, aurait pris pour habitude de conserver leur mallette, obligeant ainsi chaque année le gouvernement britannique à faire l’acquisition de nouvelles Despatch boxes !
Quelque chose d’intimidant en même temps qu’une impression de grande légèreté, d’évanescence, devant cet objet translucide, cette table dessinée par le designer français François Azambourg. En réalité un prototype, imaginé en 2010, dans le cadre de l’opération « Intérieurs Cuir-Acte II » porté par la Fédération Française de la Tannerie Mégisserie et le CTC, Centre Technique du Cuir, et ce, afin de valoriser et promouvoir l’usage du matériau cuir dans l’univers de la maison et du design. D’apparence sobre, c’est en réalité un condensé de savoir-faire, cette armature de contreplaqué, comme un squelette, recouverte de parchemin tendu puis cousu. Mouillé, le parchemin se fait étirable, flexible, se rétractant lorsqu’il sèche. Il épouse ainsi les formes les plus complexes, comme l’armature de cette table aux proportions généreuses. C’est parmi, de nombreuses autres, l’une des pièces les plus spectaculaires réalisées par le designer pour cette opération. Un meuble qui témoigne aussi de l’approche singulière de la matière par le designer, concernant ce matériau cuir, celui-ci semble être pour lui, un espace d’expérimentation infinie, en témoigne la rétrospective « Légèretés manifestes » au musée des Arts décoratifs, à Paris, en 2023 consacrée à son travail. Y ont été présentés de nombreux objets qui témoignent de cette appréhension de la matière, bois, verre, métaux, soieries… souvent dans des usages à contre-courant et néanmoins empreints de poésie et sensibilité. Le cuir n’échappe évidemment pas à ce traitement, comme dans cet alliage, alliance du verre et du cuir végétal, dans une série de verres pour « Petit h » de Hermès. Le designer met également au point un nouveau matériau qu’il fera breveter, le « sandwich souple », soit deux feuilles de cuir contrecollées sur une mousse, matière qui allie le souple et le rigide, le mou et le solide, là encore c’est Hermès qui s’y intéresse et qui commercialise une série de valises ultralégères : « Herlight ». Mais le designer s’intéresse également aux propriétés acoustiques du cuir, quand ça n’est pas une réflexion sur la mémoire de forme qui guide ses travaux, comme ce vide-poche réalisé dans une peau de crocodile semblant avoir été pétrifié. Fausse simplicité, complexe évidence, artisanat de précision, naturalité domestiquée ou sublimée, semblent être les préceptes qui guident le travail de François Azambourg.
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Rédaction Florent Paudeleux
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