La propriété industrielle, un outil au service de la communication : comment se prémunir du greenwashing #2

Quels sont les risques encourus résultant d’une politique de « green branding » ?

Se lancer dans le « green branding » n’est pas sans risque

Attention aux conditions de validité du droit des marques quand on recourt aux marques vertes. Les différents outils précités n’exonèrent pas du respect du droit des marques qui impose que la marque réponde aux conditions de licéité (ne pas être trompeuse ou contraire à l’ordre public), de distinctivité/descriptivité. S’agissant des deux derniers critères, les Offices sont particulièrement vigilants à l’égard des marques composées de termes connotés tels que   “vert”, “durable” ou encore “écologique”. Pour l’EUIPO (l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle), ces termes sont spécifiquement désignés comme revêtant une nature descriptive, lorsqu’ils sont employés en lien avec des biens ou des services qui se veulent respectueux de l’environnement et peuvent de fait conduire au rejet de la marque.
Par ailleurs, pour prévenir tout risque de tromperie du consommateur, l’INPI impose pour les marques composées des termes BIOLOGIQUE, ECOLOGIE ou encore ORGANIC ainsi que leurs dérivés et diminutifs comme BIO ou ECO, de préciser dans le libellé la mention suivante « tous ces produits (ou services) étant issus (ou rendus à l’aide de produits issus) d’une production biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus ». Il n’en demeure pas moins que certaines marques échappent à la vigilance des Offices et soient enregistrées. Par la suite, leur enregistrement pourrait faire l’objet d’une action en nullité fondée sur l’absence de validité de la marque en raison de l’un ou l’autre des griefs susvisés. Ainsi, la marque UE « GREEN COTTON » enregistrée en 2016 pour des services de vente d’articles textiles et d’habillement a été annulée pour son caractère descriptif en mars 2023. La marque française Bio Garanties, qui avait pourtant été enregistrée pour des produits et services dans le domaine de la cosmétique, a été annulée par l’INPI en 2021 pour défaut de caractère distinctif.

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Les allégations environnementales trompeuses sont sanctionnables - Photo © Adobe Stock - Franco Tognarini.

Attention à l’usage en pratique des marques et autres identifiants verts

Les allégations environnementales fausses ou qui ne peuvent être vérifiées s’analysent en une pratique de greenwashing. Les allégations environnementales s’entendent, selon la proposition de directive du 30 mars 2022, « de tout message ou toute déclaration (…) notamment du texte, une image, (..), un symbole, sous quelque forme que ce soit y compris, un label, une marque, (…) une dénomination de produits, (…) dans le cadre d’une communication commerciale, qui affirme ou suggère qu’un produit (…) à une incidence positive ou nulle sur l’environnement, est moins préjudiciable pour l’environnement, que d’autres produits (…) ».
L’usage des marques ou autre élément d’identité visuelle, slogans, noms de produits, packagings, publicités, etc., contenant des allégations environnementales fausses ou qui ne peuvent être vérifiées, est susceptible d’exposer leurs auteurs à de tels griefs.
Les allégations environnementales trompeuses sont sanctionnées en France au titre du droit de la consommation, du droit de la concurrence déloyale, du droit de l’environnement et du droit rural.
Le Code de la consommation prévoit, en son article L121-2, qu’une « une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : […] : Lorsqu’elle repose sur des allégations, […] portant : […] les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, (…) ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, […] ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental ».
Les pratiques commerciales trompeuses sont ainsi punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros (article L132-2 du Code de la consommation).
Les risques y afférents ne sont donc pas négligeables sur le plan réputationnel, de menaces de boycott, de plaintes, d’actions judiciaires, voire de perte d’activité. L’enjeu pour les opérateurs est de pouvoir étayer leurs allégations environnementales en toute transparence dans les faits, de s’assurer qu’elles sont significatives ou matérielles et d’être en mesure de le démontrer pour se prémunir du greenwashing.

Vers un renforcement à l’échelle européenne de la lutte contre le greenwashing 

D’ailleurs, la lutte contre le greenwashing sera prochainement renforcée, la Commission européenne ayant annoncé en mars 2023 sa proposition de Directive « GREEN CLAIMS » qui a pour objectif d’encadrer les pratiques de communication environnementale. Afin de déterminer si une allégation environnementale est fiable, il sera nécessaire de vérifier que l’information est claire, proportionnée, dénuée d’ambiguïté et justifiée grâce à des éléments précis et mesurables fondés sur des preuves scientifiques ou des méthodes reconnues. Autant de garde-fous que les opérateurs sont d’ores et déjà invités à évaluer préalablement à la mise en œuvre de leurs pratiques marketing et de communication.
Quels que soient les outils de propriété industrielle ou modes de communication utilisés, cela ne peut se substituer au développement d’un produit ou d’un service véritablement durable. L’une des craintes à venir est que la lutte contre le greenwashing ouvre la voie d’un autre phénomène, le « greenhushing », par lequel les opérateurs apparaissent réticents à communiquer sur leurs initiatives / objectifs environnementaux. Il n’est pas certain que cet effet de contre balancier soit profitable aux consommateurs, ni au développement des progrès environnementaux. C’est un sujet d’actualité qu’il conviendra de suivre de très près.

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Séverine Coest et Armelle Blachier, Conseils en Propriété Industrielle – Cabinet Plasseraud IP

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