La propriété industrielle, un outil au service de la communication : comment se prémunir du greenwashing #1

Qui contestera l’intérêt majeur du public pour une consommation verte, où les consommateurs tendent à favoriser les marques qui s’engagent à faire de la durabilité une priorité ?  Les enjeux sont réels comme en témoigne l’industrie de la mode qui figure parmi les plus polluantes au monde. Les opérateurs l’ont bien compris et communiquent largement sur leurs actions en faveur de l’environnement pouvant prendre des formes diverses : upcycling, recyclage, éco-conception, approvisionnement durable, réparabilité, etc. Il est donc tentant pour eux d’utiliser des identifiants verts sachant que les consommateurs sont fidèles aux marques dont les engagements environnementaux sont bien ancrés.
L’intérêt croissant pour la durabilité s’est ainsi reflété dans les dépôts de marques dites vertes qui représentent chaque année plus de 10% des nouveaux dépôts de l’Union européenne (UE). Le risque est que le verdissement de cette communication véhicule de fausses allégations environnementales volontaires créant des conditions de concurrence inéquitables au détriment des entreprises réellement durables.
La multiplication des communications de marketing vert a poussé les pouvoirs publics à s’intéresser à la question du greenwashing (ou « éco-blanchiment »), technique de marketing consistant à utiliser comme argument de vente la notion d’écologie. L’idée est de donner une image écoresponsable à une marque, aux produits et services sans que cela soit réellement fondé. Une étude de la Commission européenne montre que 53,3 % des allégations environnementales examinées dans l’Union européenne seraient vagues, trompeuses ou infondées.
Alors quels peuvent être les outils de propriété industrielle à utiliser pour communiquer sur l’écoresponsabilité dans le cadre d’une politique commerciale ? Et les risques encourus résultant d’une politique de « green branding » ?

Intégrer les outils de propriété industrielle dans une communication de marketing vert

Il y a lieu, pour les acteurs d’une filière comme celle du cuir, de s’interroger sur les outils que peut offrir la propriété industrielle pour bâtir leur communication auprès des consommateurs. Comment apparaître vert de la bonne manière ? Quelles sont les stratégies à adopter ? C’est ce que nous examinerons à travers les instruments ci-après. Leur usage à bon escient peut être un moyen de se prémunir contre un risque de greenwashing. L’objectif ici recherché est que la parole rejoigne le geste. La marque, un outil juridique pour protéger des signes comprenant des éléments verbaux et/ou figuratifs évocateurs du caractère écologique des produits et services. Les marques individuelles sont par nature des signes garantissant l’origine commerciale des produits et services sous lesquels ils sont vendus, permettant à son titulaire de se différencier de ses concurrents sur le marché.
Mais qu’entend-on par marques « vertes » d’un point de vue général ? L’EUIPO (l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle) a eu l’occasion de préciser, dans un rapport sur les marques vertes ayant porté sur plus de deux millions de dépôts, qu’une marque de l’UE peut être considérée comme « verte » lorsque le libellé des produits et/ou services revendiqués contient au moins un terme « vert » (i.e. : ayant trait à la protection de l’environnement / au développement durable) et ce, quelle que soit la nature des autres produits et/ou services revendiqués dans le libellé.
L’Office a établi une liste de 900 termes, toutes classes confondues, associés à la protection et à la durabilité environnementales, classés dans 35 catégories. Tout opérateur souhaitant obtenir une protection au titre d’une marque verte en UE serait avisé de désigner dans son libellé les termes ainsi reconnus par l’EUIPO se recoupant avec ses produits et services d’intérêt.
Par ailleurs, une marque verte renvoie aussi à d’autres caractères tenant au choix du nom, d’une dénomination et/ou d’éléments figuratifs (y inclus les logos, symboles, couleurs) composant le signe en cause. L’usage de ces éléments verbaux et/ou figuratifs peuvent ne pas être sans risques à l’aune du greenwashing. L’enjeu, voire le défi, pour les opérateurs est de trouver à identifier des marques (notamment individuelles) susceptibles de protection, qui suggèrent les bénéfices environnementaux qu’elles promettent sans prendre le risque d’être rejetées ou annulées (cf. infra).

Propriété industrielle communication greenwashing Cabinet Plasseraud
Pour se prémunir contre le greenwashing, ne négligez pas les outils de propriété industrielle dans une communication de marketing vert - Photo © Adobe Stock – Leo Minor Design.

Les marques de garantie/de certification

Une autre voie offerte aux acteurs économiques est celle de la certification. Elle présente un attrait non négligeable du fait de la confiance que les consommateurs y portent et de son poids dans leurs décisions d’achat.
Une marque de garantie est, en droit français, une marque visant à identifier l’origine des produits et services pour lesquels certaines caractéristiques sont garanties. Elle peut être détenue par des personnes physiques et morales de droit privé comme de droit public, sous réserve qu’elles ne fournissent pas elles-mêmes les produits et services en cause. Le titulaire définit les normes et règles dans un Règlement d’usage à respecter par les entreprises voulant l’exploiter. Les produits/services offerts sous cette marque doivent être conformes à certains standards/critères liés à leur fabrication/fourniture, dont le contrôle incombe au titulaire. Ce sont d’ordinaire des organismes de certification ou des personnes de droit public qui déposent ce type de marque dans le but de garantir que les produits et services visés au dépôt sont conformes aux caractéristiques portées au règlement d’usage.
L’EUIPO reconnaît la marque de certification qui consiste aussi à garantir les caractéristiques spécifiques de certains produits et services (tels que certaines normes de qualité). Elle peut être déposée par des personnes physiques ou morales, institutions, autorités et organismes de droit public.
Dans la filière cuir, on peut citer les marques de certification Leather Standard ou Oeko-Tex®, enregistrées en UE. Dans son rapport RSE 2022, le Conseil National du Cuir fait état de l’initiative Leather Standard by Oeko-Tex® qui certifie « qu’un produit distingué avec le Leather Standard a été contrôlé de manière fiable quant à la présence éventuelle de substances nocives (…). De nombreuses entreprises utilisent ce certificat comme preuve du respect de conditions incluses dans les cahiers des charges de leurs commanditaires ». Il peut donc être intéressant pour les opérateurs mettant en œuvre des processus de production durables, ou qui sont actifs dans des secteurs verts, d’examiner si leurs biens/services peuvent bénéficier d’une certification. Ils pourront utiliser la marque française de garantie ou marque EU de certification conjointement avec leur propre marque (individuelle) au soutien d’une communication sur leur engagement écoresponsable.

Les marques collectives

Les opérateurs peuvent aussi penser à utiliser les marques collectives pour promouvoir leurs activités tournées vers le développement durable, le respect de l’environnement, si elles s’inscrivent dans le cadre établi. Ils peuvent chercher à tirer profit de l’engouement du public pour ces dernières et profiter de la réputation et attirance qu’elles peuvent générer.
Le droit français prévoit l’existence de la marque collective qui vise à distinguer les produits ou services des personnes autorisées à l’utiliser en vertu du règlement d’usage établi par le titulaire. Son dépôt est réservé aux associations ou groupements dotés de la personnalité morale qui représentent les fabricants, les producteurs, les prestataires de services ou encore les commerçants des produits ou services désignés ainsi qu’aux personnes morales de droit public. Un exemple pouvant intéresser la filière du cuir est celui de l’État français reconnaissant l’excellence des savoir-faire d’exception via la marque Entreprise du Patrimoine Vivant (et sa marque collective EPV), visant à distinguer des entreprises françaises et des savoir-faire industriels et artisanaux d’excellence. Attribuée pour une période de cinq ans, elle s’adresse aux Entreprises du Patrimoine Vivant notamment dans le domaine de la mode.
La marque collective, dont le régime actuel est issu de la Loi Pacte entrée en vigueur en 2019, résulte d’une transposition du droit européen (Règlement UE 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne). La marque collective française et la marque collective de l’Union européenne ont un régime quasi identique. On peut donc choisir l’une ou l’autre selon les nécessités des territoires. L’essence des marques collectives est de signifier l’appartenance à un groupement dans le respect de règles communes posées par un règlement d’usage. C’est la raison pour laquelle le propriétaire de ces marques ne peut être qu’une personne morale représentant un collectif.
Dans la lignée des Règlements d’usage établis en vue du dépôt de marques de garantie/certification ou de marques collectives, on peut relever l’existence de chartes issues d’initiatives privées, de projets via notamment des fondations d’entreprises, etc. C’est par exemple le cas des « labels » (non officiels) créés par les marques elles-mêmes dans le but de légitimer leurs produits ou services présentés comme étant écoresponsables. Ces labels ont eu tendance à fleurir ces dernières années, notamment dans le domaine de la mode, à l’instar par exemple du concept « Conscious » promu par l’enseigne de fast fashion H&M (nom par ailleurs enregistré comme marque en UE notamment), mais abandonné suite à une enquête de l’autorité néerlandaise pour la consommation et les marchés.
Une certaine prudence serait de mise lorsqu’un opérateur souhaite recourir à ce type d’outil comme argument commercial. Le risque peut être de voir ses allégations environnementales remises en cause au titre du greenwashing. Il est en effet devenu difficile pour les consommateurs de donner un sens aux nombreux labels sur la performance environnementale des produits et des entreprises. Le mot label, bien que n’ayant pas de définition juridique précise, est en principe réservé aux signes ayant une origine légale, lois, décrets, règlement de l’Union européenne, ceci à tout le moins dans le domaine agroalimentaire et viti-vinicole. Dans ces domaines, le terme label est donc réservé aux signes officiels. Cela étant, il s’agit d’un terme largement utilisé dans d’autres domaines qui couvre des réalités distinctes, différentes démarches pouvant être marketing/commerciale provenant d’entités privées, ou visant à promouvoir un collectif d’acteurs. L’usage du terme « label » n’est d’ailleurs pas neutre et peut être sanctionné par la DGCCRF, s’il est utilisé de manière trompeuse ou erronée. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle l’ADEME, Agence de la transition écologique, a mis en exergue sur son site internet une série de labels environnementaux, classés par catégories de produits ou services, permettant aux consommateurs de connaître les garanties et les objectifs des labels qu’elle recommande.
Il est donc préférable de se fier aux labels officiels, contrôlés, comme par exemple l’Ecolabel européen, qui a vocation à aider les consommateurs et les entreprises à faire des choix véritablement durables. Le logo Ecolabel est un symbole de qualité respectant les normes environnementales les plus élevées. Reconnu dans toute l’Europe, il traite des principaux impacts environnementaux des produits tout au long de leur cycle de vie. Il est contrôlé par des experts indépendants. Il s’applique notamment aux produits de la chaussure. Il vise à garantir la gestion durable des matières premières d’origine naturelle, la réduction de la pollution dans les processus de production, l’utilisation minimale de substances dangereuses et les produits testés pour leur durabilité.
En résumé, il ne faut pas hésiter au sein des équipes Marketing et Communication à avoir le réflexe de recourir aux outils qu’offrent notamment les marques individuelles, de garantie ou collectives, entre autres moyens de communication.

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Séverine Coest et Armelle Blachier, Conseils en Propriété Industrielle – Cabinet Plasseraud IP

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