LEATHER ICONS #5
Le cuir « version arty », suite et fin avec le dernier chapitre de cette série consacrée aux icônes du design d’hier, d’aujourd’hui, et peut-être ...
La maison française de maroquinerie Camille Fournet propose, avec ses rencontres équinoxes, un programme artistique unique dans son secteur. Chaque équinoxe marque le début d’une collaboration avec un artiste invité dans les ateliers situés en Picardie. La rétrospective « Chuchotement des mains » a marqué l’édition printanière du salon Art Paris au Grand Palais.
La confection artisanale du bracelet montre dans des cuirs nobles et précieux est à l’origine du savoir-faire de Camille Fournet, apparu après-guerre. Au tournant du XXIe siècle, la marque prisée de l’horlogerie de luxe a ajouté une nouvelle corde à son arc. Maroquinerie et petite maroquinerie ont vu le jour dans des lignes épurées et des peausseries aux coloris raffinés. Jean-Luc et Françoise Déchery sont les artisans de cette diversification au succès croissant. En 1994, ils ont racheté la manufacture Camille Fournet pour lui donner un nouvel élan. Les dirigeants sont aussi des collectionneurs, passionnés d’art contemporain. L’idée d’inviter des artistes à rencontrer les artisans au sein même de la manufacture s’est très vite imposée. « Camille Fournet joue avec les matières, les couleurs, précise le couple. Nous voulions accueillir avec bienveillance la jeune création. Les artistes apportent leur souffle, leur inspiration, leur inventivité. » Ainsi sont nées les rencontres équinoxes, sous la forme de cartes blanches semestrielles. Chaque artiste conçoit une œuvre originale, après avoir partagé le quotidien des artisans à Tergnier et s’être « imprégné de la relation intime existant entre le maroquinier et la matière ». Chacune des rencontres équinoxes fait ensuite l’objet d’une exposition au sein de la boutique parisienne, rue Cambon. La marque a pris le parti de soutenir l’art contemporain, plus spécifiquement la jeune génération à travers des profils éclectiques. Les dix œuvres de dix artistes, présentées pour la première fois ensemble à Paris, dans un événement dédié à l’art contemporain, en sont une parfaite illustration. La plasticienne Maude Paris avait inauguré le programme créatif avec une œuvre murale justement baptisée « Premier Acte ». La sculpture s’est ensuite révélée sous plusieurs formes dans le cadre d’installations in situ. Celle de Recycle Group, par exemple, « interroge l’espace web entre mythologie et technologie », tandis que Ittah Yoda a conçu la sienne, comme une « immersion sensorielle, poussant au toucher, au réconfort ». Yasmina Benabderrahmane, invitée en 2024, convoque, elle, la photographie argentique dans son installation multimedia. Ses fragments d’images font écho au titre même de l’exposition « Chuchotement des mains », en saisissant les gestes précis, maîtrisés, de l’artisan avec ses outils. Un titre évocateur, choisi par Lucien Murat pour sa mise en scène dans la Nef du Grand Palais. L’artiste avait été aussi le cinquième invité de Camille Fournet en 2021. Son œuvre murale « Sasori » questionne conjointement les notions de féminité et de mobilité, sous la forme d’un patchwork multimatières. « Ce travail, dit-il, m’a conduit à sortir le cuir de son contexte pour créer un nouveau dialogue entre l’œil et les textures et renforcer l’évocation puissante d’une femme guerrière, combative. Les héroïnes de fictions japonaises m’ont guidé. » Elsa Sahal, de son côté, a, dès le second opus, introduit le cuir au côté de son matériau de prédilection, la céramique. « Acrobate » révèle une sculpture troublante, dont les volumes reflètent l’esthétique anthropomorphique chère à la diplômée des Beaux-Arts.
Si les rencontres équinoxes ciblent prioritairement les artistes émergents, elles ne s’interdisent pas pour autant des figures à la renommée internationale. À condition de questionner notre monde en toute liberté… Les collaborations, avec Fabrice Hyber et Orlan, en témoignent. Le maroquinier avait déjà réalisé pour le premier la gainerie d’une balançoire exclusive. En 2022, le plasticien prolonge son dialogue avec la maison, poussant plus avant son utilisation du cuir. Il a non seulement conçu une sculpture mutante qui interpelle mais aussi une collection capsule de sept accessoires en édition limitée. Leur point commun ? Une couleur acide, presque fluo, le vert Hyber, « un signe fort, vital, comme la première pousse au printemps », explique l’artiste, pour qui « une boutique doit être le lieu de surprises, de choix affirmés, d’expérimentations… ». Sa silhouette surréaliste, à taille humaine, en est la preuve. « J’ai imaginé une figure futuriste, dont le sac aurait été intégré au corps en ayant pris comme modèle le ventre de la femme enceinte, poursuit-il. Je le présente en carré, comme un cadeau poétique, mais aussi un peu terrifiant… Pour moi, le sac est dans la continuité de notre corps, je le vois comme une prothèse. » Orlan, invitée en 2023 par Camille Fournet, propose une définition voisine. « Le sac nous permet de transporter des éléments dont nous avons besoin. Il est transporté par la main, mais son nom pourrait nous faire croire qu’il contient des mains ! D’où mon idée d’intégrer, en les imprimant sur le cuir, des parties de mon corps, visage, œil, bouche, oreille… » Au total, 14 produits qu’Orlan a conçus dans une collection d’accessoires « arty », comprenant sacs, pochette, étui ou encore ceinture. « La maroquinerie nous ramène au savoir-faire, à « la belle main » et aussi aux sacs en cuir et peaux exotiques, poursuit-elle. Notre société s’interroge sur les matériaux que nous utilisons, naturels ou artificiels, et leur empreinte carbone. » Une réflexion qui a inspiré la composition grand format, intitulée avec esprit « L’éléphant de la forêt d’Afrique en voie de disparition et nouveaux robots en objets et matériaux recyclés ». À la veille de l’été, en juin, Camille Fournet dévoilera sa nouvelle rencontre équinoxes avec, cette fois, le collectif Home Affairs, en résidence lors de la dernière extension de la manufacture à Tergnier. Quant à l’exposition, elle est appelée à voyager après Art Paris, hors de France. Le mécénat artistique du maroquinier, présent en Europe, en Asie, aux États-Unis, s’inscrit en effet dans le cadre d’un développement global et d’ambitions à l’international. « Notre programme artistique nous a permis de faire connaître et de développer la marque à travers notre ADN, où l’art joue un rôle essentiel, confie Camille Fournet. Nous touchons une cible différente, dont des collectionneurs d’art, et nous « recrutons » de nouveaux clients. »
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Rédaction Nadine Guérin
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