La liberté et la passion, l’alchimie du Festival de Hyères selon Jean-Pierre Blanc

Lorsqu’il initie en 1985 la première édition d’un festival de mode dans sa ville, Jean-Pierre Blanc fait un pari un peu fou, celui de promouvoir des idées novatrices et de faire exister Hyères sur la carte de la mode aux côtés de Paris. Près de 40 ans plus tard, il a probablement dépassé ses attentes de l’époque, faisant du festival un rendez-vous international incontournable pour les jeunes créateurs de mode, d’accessoires et les photographes, attirant chaque année l’attention de grandes maisons de luxe et de partenaires prestigieux. Un festival d’exception, dont Jean-Pierre Blanc, qui en assure la direction, nous révèle comment il préserve l’esprit singulier et l’audace créative qui en font la renommée. Il partage également sa vision pour l’avenir du festival, ses initiatives pour soutenir la relève et son ambition de transformer Hyères en un véritable pôle d’excellence de la mode d’ici 2030.

Jean-Pierre Blanc, fondateur du Festival de Hyères - Photo © Anne Combaz.

Depuis près de 40 ans, le Festival de Hyères soutient les jeunes créateurs et s’est imposé à l’international. Comment définiriez-vous son esprit unique et comment parvenez-vous à le préserver tout en attirant de prestigieux partenaires ?

On me pose souvent cette question. Je pense que cela continue de fonctionner après toutes ces années car nous n’appliquons pas de recette, que tout cela s’est fait naturellement sans que nous y réfléchissions trop. Ma direction artistique est sans aucun doute guidée par mon parcours d’autodidacte, je pense que c’est un élément très important. Cela induit une liberté et un affranchissement de certaines contraintes que d’autres, aux parcours plus classiques, pourraient s’imposer.
Par ailleurs j’ai toujours autant de plaisir à faire les choses. Si la passion n’était plus là, cela n’aurait plus de sens. Imaginez passer 40 années de votre vie à faire la même chose tous les ans, sachant que le festival me prend à peu près 80% de mon temps, si ça ne m’amusait pas ! Je pense que c’est cette espèce d’alchimie spontanée qui séduit les partenaires. Par ailleurs, ces partenaires importants n’expriment pas le désir d’influer directement sur la programmation. C’est pour maintenir cet esprit de liberté qu’ils souhaitent s’engager à nos côtés. Avec eux, nous trouvons un équilibre dans notre liberté de ton, de parole et de programmation.

Après avoir débuté en 1985 au Park Hôtel de Hyères, le festival a placé son épicentre à la Villa Noailles depuis 1996 - Photo © Florian Puech.

Le concours dédié à la création d’accessoires comme domaine à part entière dans le Festival remonte à cinq ans. Comment a-t-il évolué ?

Il a existé les cinq ou six premières années. Nous avons décidé de l’arrêter car nous ne recevions plus assez de dossiers intéressants. Nous avons repris il y a cinq ans, sous l’impulsion d’un de nos partenaires de l’époque, Swarovski. Le prix a évolué avec l’arrivée de Chanel et d’Hermès, qui y sont plus spécifiquement impliqués aux côtés d’autres partenaires. L’arrivée d’Hermès pour le prix Accessoires de Mode a sans aucun doute boosté le concours. Les écoles qui forment les finalistes ont aussi évolué sur ce sujet. Lorsque nous avons relancé ce prix, nous avons souhaité nous entourer de partenaires solides. Notre ambition, comme pour la mode, était de susciter des propositions innovantes et rigoureuses, qui auraient une véritable valeur ajoutée.
C’est important aussi d’avoir un mélange entre le concours mode, le concours photo et le concours accessoires. Nous pourrions proposer de la création textile et bien d’autres choses encore, car la famille de la mode est large et vaste. Dans le cadre de Design Parade et du Festival d’Architecture d’Intérieur à Toulon, par exemple, nous avons le prix Visual Merchandising, dont le partenaire est Chanel, qui naturellement se rattache aussi au festival de mode. Je pense que c’est cet ensemble de choses qui a beaucoup fait évoluer le concours. Et puis c’est un concours tout jeune, il n’a même pas dix ans, donc il va encore évoluer.

Vous évoquiez les ateliers des grandes maisons de luxe patrimoniales françaises. Vous nourrissez depuis longtemps, ce binôme entre artisan et créateur. Comment envisagez-vous ces binômes créatifs ?

Ces jeunes ont la chance d’avoir la possibilité, grâce au festival, de travailler avec les meilleures maisons du monde, que ce soit celle des métiers d’art de Chanel au 19M, ou encore les artisans de la maison Hermès. Grâce au décalage du festival en octobre, ils ont désormais la possibilité de travailler avec les ateliers pendant six mois, là où autrefois, lorsque le festival avait lieu en avril ils n’avaient que trois mois. Cela leur donne des possibilités de régulièrement échanger, de rentrer plus dans le détail et de réaliser des choses de plus grande qualité.

Ces jeunes créateurs introduisent auprès de ces maisons leur approche décomplexée vis-à-vis de l’utilisation de matières de seconde main ou issues de stocks dormants, parfois inhabituelles.

Oui, c’est quelque chose d’intéressant. Cela fait sans doute aussi partie des raisons pour lesquelles ces partenaires prestigieux se tournent vers nous. Je pense à des maisons comme Lesage, qui célèbre cette année son centenaire. Hubert Barèrre, son Directeur Artistique, m’avait confié son enthousiasme à travailler avec l’un des lauréats du prix Mode. Il avait repoussé les limites tellement loin que l’atelier avait été stimulé par ses créations audacieuses. C’est aussi cela la balance, l’équilibre dont je parlais. Le festival vit et se développe grâce à la collaboration avec ces maisons incroyables, mais le festival leur apporte aussi une fraîcheur et des nouveautés, dans un véritable échange.

Vous parrainez cette année les lauréats de l’incubateur ADC (Au-Delà du Cuir). Comment voyez-vous votre rôle auprès de ces jeunes entrepreneurs ? Qu’avez-vous envie de leur transmettre ?

J’aborde ce rôle de parrain sans idées préconçues, de façon très ouverte. J’espère, en partageant mon expérience avec eux, comme je peux le faire lorsque j’interviens dans les jurys des écoles de création et de design, leur transmettre un peu de mon expertise et de ma liberté de ton.

Lors de l’ouverture du dernier festival, vous évoquiez votre souhait de faire de Hyères un véritable pôle d’excellence de mode d’ici 2030. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le président de la République a lancé le projet France 2030, dans lequel il y a le souhait, que je trouve intéressant, d’équiper chaque région d’un pôle d’excellence mode et design. Je me suis dit qu’il y avait une sorte d’alignement des planètes à envisager ce pôle d’excellence mode à l’aube des 40 ans du festival de mode. Il y a des centres nationaux pour la danse, pour la photo, pour le cinéma, pourquoi n’y aurait-il pas un centre national de la mode à Hyères à l’occasion de ce quarantième anniversaire ?
La Métropole de Toulon est candidate à ce pôle d’excellence. Nous sommes au second stade de ce projet. Nous fédérons des acteurs de la métropole, dont le Festival de Hyères pour la mode, mais aussi pour le design et l’architecture intérieure. Construire ce dossier de candidature nous donne à réfléchir, nous fait avancer, et confère une visibilité supplémentaire à la ville que le festival apporte depuis longtemps, qui prend corps aussi avec la volonté du Maire de Hyères, également Président de la Métropole, Jean-Pierre Giran, de soutenir ce projet. C’est évidemment important d’avoir un soutien politique. En ce qui concerne les partenariats, nous travaillons étroitement avec les marques qui sont installées dans la métropole, comme Molly Bracken, American Vintage, Seagale… Ce sont des entreprises de mode locales qui sont déjà bien établies. Cette initiative fédère des acteurs qui ne l’étaient pas auparavant, cela crée une émulation et nous espérons que d’autres partenaires auront envie de se joindre à nous.

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Rédaction Hélène Borderie

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