Hors-studio investit le design d’intérieur

Le Leatherstone est un matériau écologique qui donne au cuir recyclé l’apparence de la pierre. Depuis que Rebecca Fezard et Élodie Michaud l’ont mis au point, il ne cesse de s’enrichir, de se diversifier. La riche actualité de hors-studio tout au long de l’année 2025 témoigne d’un intérêt grandissant. Vertueux et versatile, le néo matériau se révèle porteur pour les marques de luxe et les architectes d’intérieur.

Une innovation à impact réduit

Les fondatrices de hors-studio sont des chercheuses, spécialisées en biomatériaux. Pour les créer, elles se concentrent, depuis leurs débuts en 2016, sur les « ressources déchets » que le duo transforme, combinant savoir-faire artisanal et nouvelles technologies. Leur approche engagée et créative fait mouche. En 2020, le Grand Prix de la Création de la Ville de Paris distingue le duo. La dernière édition du salon Première Vision a invité hors-studio à participer à un séminaire intitulé « Le cuir comme terrain d’innovation et de création ». L’occasion pour les deux artisanes designers d’expliquer leur démarche : concevoir tout en décarbonant. « Nous venons du textile, de la couleur, de la surface. Nous sommes, chacune, très sensibles au savoir-faire du matériau. Le matériau est toujours le point de départ. L’inspiration de la nature nous guide. On veut accorder un soin optimal au vivant. Le Leathertone est le fruit d’une recherche scientifique et artisanale de plusieurs années. C’est un matériau à très faible impact carbone car il se compose de chutes de cuirs broyées et mélangées à un liant naturel biodégradable. Le Leatherstone ne nécessite aucune cuisson. Il sèche à l’air libre. Il ressemble alors à la pierre et en a la dureté. Il offre des solutions de valorisation esthétique aux acteurs de la filière cuir. Il peut aussi donner lieu à de nombreuses applications. »

Techniques artisanales et couleur unique

La pâte ductile, à l’origine du Leatherstone, se travaille facilement à la main. Elle peut se modeler, gainer un support, être même imprimée en 3D. Plusieurs créations de hors-studio ont été sélectionnées à la Biennale de Design de Saint-Etienne, qui aura lieu du 22 mai au 6 juin, autour de la thématique « Ressource(s) Présager demain ». Elles font partie d’un espace dédié au design bio climatique. C’est le cas de la chaise convective Trosne, modulable et imprimée en 3D ou, encore, de la bouillotte d’intérieur Sample, gainée de Leatherstone et conçue avec la céramiste Camille Chaleil. Deux exemples, parmi d’autres, questionnant « la nouvelle valeur thermique de l’art décoratif dans une nouvelle optique de performance climatique ». La dernière collection, dévoilée en février dernier sur Première Vision, a pour nom Stase. Le Leatherstone n’est plus gainé mais exploré dans la masse et en volume. À la manière d’un bas-relief, qui « pétrifie le mouvement et la souplesse du cuir ». La couleur du cuir broyé est un autre atout du Leatherstone. Il se teinte en effet naturellement, sans ajout de pigment ou autre colorant. « Le cuir est trié, en fonction des gisements, par gammes de couleurs avant d’être broyé », précise le tandem qui explore ainsi une riche palette de nuances. En témoigne Le Salon des Refusés, « mêlant Leatherstone et objets déclassés ». Les pièces décoratives, lancées cette année, sont nées de l’envie de revaloriser des volumes imparfaits en céramique de Camille Chaleil. « On a volontairement choisi des couleurs de poudres de cuir inattendues en jouant avec des mélanges subtils de teintes chaudes, explique hors-studio. Notre intention était de créer des dégradés, des marbrés et de montrer ainsi une nouvelle facette de notre matériau. » Un Leatherstone subtilement coloré, personnalisable, adapté à des formes décoratives, ornementales et responsables.

Solutions d’aménagement intérieur

Tuf, c’est le nom des premières pièces de petit mobilier conçues par hors-studio. Le nom fait écho aux carrières de tuffeau, voisines de la manufacture ouverte à Tours en 2023. Le duo y mène ses recherches et produit à la main ses pièces sur mesure. Les finitions brutes, texturées, donnant l’illusion de la roche se prêtent aisément à un mobilier sculptural. Un premier ensemble composé d’une table et d’une assise monobloc a été exposé à l’initiative de l’architecte Isabelle Castanier dans le Sud en 2024. Le rendu minéral est précisément ce qui a séduit l’architecte Atelier Siel pour aménager à Paris le restaurant étoilé Datil de la cheffe Manon Fleury, prônant une « cuisine vivante ». Le bar massif, au relief rugueux, est réalisé en Leatherstone. Le nouveau flagship de la marque de maroquinerie Polène, ouvert sur les Champs-Elysées au printemps, a fait appel aussi à hors studio. Il est aménagé par le cabinet d’architecture coréen WGNB, avec le concours de divers artisans français. Le Leatherstone habille les deux comptoirs d’accueil longs de trois et quatre mètres. « Nous avons réalisé une finition lisse, polie, qui laisse apparaître les granulats de cuir à la surface », précisent les conceptrices. Autre projet d’envergure, celui réalisé avec l’agence Kida pour LVMH Métiers d’Art. Les lauréates du Prix des Artisanes Elle x LVMH en 2022 ont en effet été choisies dans le cadre d’une réhabilitation architecturale autour du cuir. Une table de réunion et ses bancs associent pour la première fois le Leatherstone à un autre matériau, l’inox brossé utilisé en piètements. Après l’exposition Loewe Craft Design à Madrid (30 mai-29 juin), hors studio présentera ses prochains développements en octobre prochain aux Rendez-vous de la Matière à Paris. D’autres objets manifestes, nés de la circularité, sont d’ores et déjà prêts à voir le jour.

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Rédaction Nadine Guérin