Le second type de droit susceptible d’entrer en jeu est donc celui des dessins et modèles, lequel se matérialise par un titre de propriété industrielle, tout comme une marque ou un brevet, titre dont l’existence objective est accessible au travers d’un registre officiel et public. Alors que le droit d’auteur existe sans formalité, il est tentant de négliger la protection par dessin ou modèle. Ce faisant, on s’expose aux difficultés probatoires liées aux différents éléments évoqués ci-dessus ainsi qu’à la subjectivité à laquelle reste inévitablement soumise l’appréciation de la notion d’originalité. La protection des dessins ou modèles porte sur l’aspect des produits et leurs caractéristiques esthétiques.
Dans ce contexte, la notion de « produit » est très large dans la mesure où elle couvre tout article industriel ou artisanal. En revanche, une couleur unique, un concept ou encore un être vivant, n’entrent pas dans ce cadre. De ce tout dernier point, on peut déduire qu’il ne serait pas possible d’obtenir des droits sur le seul aspect de la granulosité particulière du cuir d’autruche, du pécari ou du galuchat.
Le droit sur un dessin ou modèle s’acquiert via le dépôt des vues de ce que l’on cherche précisément à protéger. C’est pourquoi une véritable réflexion stratégique doit être menée afin de déterminer comment protéger, au mieux, le design d’un nouveau produit. La protection recherchée peut porter tout aussi bien sur l’aspect général et la configuration d’ensemble du produit que sur l’une de ses parties (« modèle partiel »), voire d’un motif qui serait apposé sur le produit.
Il est également possible de déterminer l’étendue de la protection recherchée en choisissant judicieusement le mode de représentation des vues déposées : par exemple, un dessin en noir et blanc des contours d’un soulier confèrera une protection qui ne portera que sur sa forme sans tenir compte des couleurs ou motifs, tandis qu’une photographie ou une image de synthèse en couleurs va intégrer lesdites couleurs dans l’objet de la protection. Se trouvant en quelque sorte à mi-chemin entre ces deux possibilités, une image en niveaux de gris va représenter et donc protéger le contraste relatif entre plusieurs parties d’un même produit.
Si en droit d’auteur, la condition de protection résidait en l’originalité de la création, cette notion est absente en droit des modèles. Pour être valable, un dessin ou modèle doit essentiellement être « nouveau » (autrement dit, il ne doit pas avoir été divulgué antérieurement) et il doit posséder un « caractère individuel » (ou « caractère propre » selon que l’on se réfère aux textes français ou européens). Pour résumer très synthétiquement cette notion de « caractère individuel », elle correspond à une évaluation de l’écart avec l’art antérieur. L’impression globale que produira un dessin ou modèle sur un utilisateur averti devra différer suffisamment de ce qui a déjà été divulgué. Par ailleurs, un dessin ou modèle ne sera pas valable si la totalité de ses caractéristiques est exclusivement dictée par une fonction technique.
De façon générale, il est fortement recommandé de réaliser le dépôt avant toute divulgation, même si dans un grand nombre de pays, dont la Chine ne fait par exemple pas partie, il restera possible de déposer quelques mois après avoir divulgué sa création. Autre élément notable, certaines juridictions permettent de conserver le modèle secret après son dépôt, via un ajournement de sa publication. La mise sur pied d’une stratégie de dépôt est ici essentielle et l’assistance d’experts, vivement recommandée. Enfin, il faut préciser que ce bref aperçu du droit des dessins et modèle est présenté depuis une perspective européenne ; dès lors que l’on sort de l’Union européenne, les systèmes législatifs et la pratique de chaque juridiction varient sur bien des points, ce qui peut parsemer la voie de chausse-trappes.
Se poser les bonnes questions au bon moment
Que l’on envisage le droit d’auteur ou celui des dessins et modèles, quelques précautions doivent devenir des réflexes préalables. Parmi les questions à se poser en droit d’auteur, outre celle du contenu de la création, celles de sa datation et de la titularité des droits qui lui sont attachés sont primordiales ; la problématique dépendra du processus de création et du rôle des différents intervenants et la solution reposera sur une bonne conservation de la preuve et une parfaite administration des contrats. En outre, il sera opportun d’archiver les « mood boards » (c’est-à-dire les planches de tendances et sources d’inspiration) dans la perspective d’éventuels litiges : cela pourra permettre à un conseil ou un avocat d’exposer, le moment venu, la démarche créative dans un langage juridique.
Côté dessins et modèles, avant d’envisager le lancement d’un nouveau produit, il sera prudent de procéder à une recherche de liberté d’exploitation. En tout état de cause, avant tout dépôt, quelques questions essentielles doivent être abordées :
- Qui a créé le modèle ? La titularité des droits d’auteur est-elle en adéquation avec l’identification du déposant du dessin ou modèle ?
- L’aspect du produit a-t-il été divulgué et, le cas échéant, par qui et quand ?
- À l’inverse, faut-il requérir l’ajournement pour conserver l’aspect du produit confidentiel ?
- Dans quels pays faut-il déposer et où prioritairement ?
Toutes ces questions, votre conseil habituel vous aidera à vous les poser et à y répondre.
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