Jeanneret, des chaussures modernes et modernistes
De l’architecture à la chaussure, il n’y a qu’un pas…que la jeune Elena Sarrazin franchit avec brio. Fondée cet été, sa marque, baptisée Jeanneret ...
Ancienne commerçante à Marseille, Anne Gilles sait ce que recherchent les consommatrices. Depuis 2017, elle imagine, sous la marque Créatis, des chaussures féminines colorées, pep’s et confortables, qui tapent dans l’œil des détaillants français et de leurs clientes. De quoi l’encourager à se lancer aujourd’hui à l’export.
Renaissance professionnelle
Créatis, c’est une belle renaissance professionnelle autour d’une passion : la chaussure. Dans une première vie, de 2000 à 2015, Anne Gilles vend cet accessoire dans ses deux magasins marseillais, aux côtés de marques comme Free Lance ou Birkenstock. Soucieuse d’originalité, elle fait personnaliser (couleurs, matières…) certains modèles par ses fournisseurs. En 2011, la détaillante fait une rencontre providentielle : un fabricant italien, basé dans la région des Marches, lui apprend tout, dit-elle, sur l’art et la manière de bien réaliser une paire. Anne dessine de premiers modèles, vendus dans ses magasins, sous sa marque Créatis Marsiglia. « Sur le marché, je ne trouvais que des paires aux talons soit très hauts, soit plats, mais pas de hauteur 5 cm, apportant à la fois élégance et confort. Je me suis donc mise à en dessiner », explique-t-elle. Son interlocuteur italien lui donne accès aux contacts permettant d’aboutir au résultat correspondant à ses vœux. Notamment pour se fournir des packs de formes adéquates. « Mes 20 ans à la vente m’ont permis de constater que les femmes peinent à trouver des modèles de stilettos confortables, quel que soit le prix. Car les marques lésinent souvent sur les achats très coûteux de packs de formes. Chaque forme ne correspond qu’à une hauteur de talon précise. Or, si l’on veut faire l’économie d’un pack pour une autre hauteur de talons, la cambrure n’est plus adaptée. »
Talon de 5 cm
Alors qu’elle cumule les deux casquettes commerçante-fabricante, les circonstances accélèrent sa reconversion. Débordée, confrontée à un redressement judiciaire, elle arrête en 2013 Créatis Marsiglia. Après les attentats fin 2015, les consommateurs n’étant plus au rendez-vous, elle ferme ses magasins. Tout en tenant une maison d’hôtes, elle se remet à dessiner des chaussures. Le tout premier modèle, baptisé cette fois brièvement Créatis, naît en 2017. Cet escarpin 5 cm, orné de bandeaux de cuirs multi-couleurs rappelant les voiles du port de Marseille, deviendra un permanent iconique… Le duo gagnant de Créatis – créativité audacieuse et féminine alliée à un confort sans concession – est en place. Anne puise dans sa vie – comme le dessin de cette libellule venue se poser sur son petit dernier – pour apporter à ses modèles une touche unique. Elle mélange sans complexe couleurs et cuirs, eux-mêmes souvent ennoblis par la 3D, le laser ou l’impression, ajoute des motifs décoratifs (étoile, éclair, branche d’olivier…) réalisés en cuir et cousus. Les capsules s’inspirent de l’univers coloré d’artistes comme Yves Klein ou Mondrian. Côté bien-aller, outre des formes idoines et une cambrure très douce, des semelles en silicone ménagent les pieds de ses clientes. Le tout fait souvent oublier les pathologies (hallux valgus, Morton…).
Offre élargie
Au fil du temps, l’offre s’élargit : aux escarpins des débuts s’ajoutent boots, bottes, sandales et derbys, plats ou à talons de 5 ou 7 cm. Pour réaliser sa soixantaine de modèles par saison (été, hiver) et deux capsules (3 à 4 modèles), Anne Gilles fait confiance à Cesar, un atelier espagnol près d’Alicante dont elle connaît la qualité car il fournissait ses magasins. Pour ses modèles raffinés, elle porte son choix sur des cuirs italiens et espagnols, et privilégie l’agneau Vitello et le chèvre velours certifiés Leather Working Group.
La démarche de Créatis, singulière et professionnelle, plaît : une soixantaine de boutiques françaises (la moitié de concept-stores, un quart de spécialistes chaussures et autant en prêt-à-porter) la diffusent. « Les clientes ont aujourd’hui besoin de se faire plaisir. Les magasins qui s’en sortent sont ceux qui osent », estime Anne Gilles. Son expérience lui permet de proposer des services idoines comme la personnalisation des best-sellers (possibilité de choisir jusqu’à sept cuirs sur un modèle ou d’opter pour un talon de 5 ou 7 cm). Elle fluidifie les échanges d’un bout à l’autre du territoire. « Les détaillants peuvent me renvoyer les séries qu’ils vendent moins bien et je les remplace par des nouveautés. Il arrive aussi qu’un modèle n’ait pas de succès dans un magasin breton mais dans le Nord : je le récupère chez l’un pour l’envoyer chez l’autre. »
Marché européen
Présente chez une poignée de détaillants italiens, anglais et espagnols, Créatis compte séduire davantage le marché européen. Outre son come-back lors du dernier salon Who’s Next en janvier, elle a fait appel à un agent France, « connaisseur du monde des souliers », qui a pris en charge la Belgique où elle compte déjà trois clients. Pour limiter les coûts, l’atelier espagnol livre directement ces marchés.
Créatis a aussi sa petite communauté, de “copines de souliers”, constituée via Instagram et son e-shop. « C’est tellement rare de porter des chaussures à talons sans avoir mal aux pieds, qui plus est différentes, que nos clientes en ligne sont très fidèles. Certaines ont dans leur placard 15 à 20 paires à notre marque ! »
Après avoir mis seule sa marque sur de bons rails, Anne Gilles s’entoure : outre son nouvel agent, elle travaille désormais avec une binôme indépendante, spécialiste de la mode et partageant sa vision humaine du commerce. De quoi marcher d’un bon pas sur deux pieds.
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Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse
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