Rose Saneuil repousse les limites de la marqueterie
Les Talents du Luxe et de la Création 2024 l’ont non seulement nominée pour son innovation mais aussi primée dans la catégorie Métiers d’Art. Rose ...
Mêlant tradition et innovation, Bleu de Chauffe fait figure d’exemple de ce qu’une marque de mode peut être aujourd’hui. Entre désirabilité, digitalité et éco-responsabilité, elle gagne le pari du made in France. Décryptage d’un modèle de cohérence et de maîtrise qui séduit les nouveaux consommateurs.
S’il est une recette pour créer une marque aujourd’hui, Alexandre Rousseau en connaît assurément la formule gagnante. Même si son ambition était simplement « de faire une mode qui nous plait », les premières années de Bleu de Chauffe ont tout du cas d’école. D’abord, ce designer de formation s’est forgé une compétence dans les accessoires au sein du groupe Richemont puis chez Le Coq Sportif où il a rencontré son actuel associé Thierry Batteux. « Nous nous sommes nourris de cette expérience pour bâtir notre concept, explique ce quadragénaire. Nous avons vu les usines en Chine grandes comme des villes et nous sentions que ce n’était plus possible. » Les deux amis ont aussi observé leurs contemporains et noté « une envie de consommer différemment ». Ils ont étudié le marché et saisi la montée de la tendance Héritage, conjonction du vintage sur le déclin et du workwear sur le retour. En 2008, ils quittent donc Le Coq Sportif et créent un an plus tard Bleu de Chauffe, du nom de la veste que portaient les cheminots du temps du chemin de fer. « Notre idée était de remettre les vieux sacs de métiers au goût du jour et de les adapter à la vie moderne, en utilisant du cuir à tannage végétal comme autrefois et en faisant le pari d’une fabrication 100 % française. » En octobre 2010, ils présentent leurs premiers produits au salon Bread & Butter de Berlin et séduisent d’emblée des points de vente stratégiques à l’étranger et en France, comme le Bon Marché et Merci. La première année, la production était déjà de cinq cents pièces, entièrement fabriquées en interne par un seul artisan. Aujourd’hui, elle avoisine les quinze mille unités, confectionnées par une vingtaine d’employés.
Le chemin qui a mené les deux associés au succès n’a pas été si tranquille. « Au lancement de la marque, on était en pleine crise financière et on s’est tout de suite confronté à des difficultés pour acheter des matières, se faire payer les commandes. Pendant trois ans, on ne s’est pas versé de salaire » se rappelle Alexandre Rousseau. Mais les deux entrepreneurs persévèrent, écoutent la demande de certains consommateurs précurseurs et créent une boutique en ligne. « Nous avons ouvert le site de vente en 2012. Nous avons été une des premières marques à vendre sur internet, poursuit notre interlocuteur. Cela a été un succès quasi immédiat qui nous a permis de respirer enfin. » Pour suivre leur façonnier Julien Hanchir, maintenant à la direction de l’atelier, ils s’installent à Saint Georges de Luzençon dans l’Aveyron, d’abord dans des locaux au bord du Tarn qui deviennent rapidement trop exigus. Et après une crue importante de la rivière, « où on a failli tout perdre », ils décident d’investir en 2015 dans un nouveau site et construisent un bâtiment à quelques encablures du précédent, avec vue sur le viaduc de Millau. « Dans le cadre d’un atelier relais, nous avons pu nous sédentariser sur la commune, explique le gérant. Nous avons voulu le bâtiment à l’image de Bleu de Chauffe, esthétique, fonctionnel et écologique, regroupant tous les métiers de la marque, de la conception à la logistique en passant par la coupe, le montage, le contrôle qualité et même la communication et la gestion du web. Plus qu’un lieu de travail, c’est un véritable lieu de vie, avec même un jardin collectif en permaculture. »
Dès sa création, la marque a adopté une vision durable à 360 degrés. Dans le style d’abord, avec un ADN workwear et outdoor assumé. « Le design est pensé en fonction de la production, pour la simplifier et la rationaliser, déclare le designer. Tous les détails ont une utilité pratique, comme des brides pour assister le contenant du sac. Et nous veillons à nous conformer aux usages actuels en adaptant les tailles des sacs à celles des ordinateurs, en repositionnant les poches ou en transformant un modèle ancien en accessoire d’aujourd’hui, comme une banane ou un sac à dos. »
La fabrication, entièrement réalisée en interne, sans travail à la chaîne, se revendique aussi éco-responsable : chaque article est confectionné de A à Z par un seul artisan qui signe et date son œuvre, ce qui en facilite la traçabilité. Un service de réparation est également proposé aux clients. Et bien sûr, le choix des matières s’effectue en cohérence avec ce parti pris, en privilégiant la solidité et la durabilité. Différents types de toiles – délavée aux enzymes, enduite à la cire naturelle ou en coton bio labellisé – proviennent de deux fournisseurs français pour l’extérieur des sacs et les poches intérieures, et de chez British Millerain en Angleterre. Les cuirs utilisés, 100 % bovins, sont tous à tannage végétal. Ils sont sourcés dans trois tanneries françaises « qui répondent à des normes environnementales strictes » et une italienne tout aussi regardante sur son impact écologique. « Nous reconduisons nos cuirs d’une année sur l’autre en ajoutant quelques nouvelles couleurs chaque saison. Ils sont teints dans la masse, peu pigmentés, avec un grain naturel, sans embossage et juste un traitement imperméable anti-dégorgement. Ils acquièrent une belle patine à l’usage. En 2 à 2,2 mm d’épaisseur pour les sacs pour hommes et 1,5 à 1,7 pour les modèles plus légers », détaille Alexandre Rousseau. Pour les garnitures, brides et bandoulières, Bleu de Chauffe sélectionne des cuirs de sellerie non foulonnés, avec très peu de prêtant, dans des épaisseurs plus conséquentes, entre 3,4 et 3,6 mm.
Au départ exclusivement en cuir et masculine, l’offre a petit à petit intégré la toile et s’est féminisée. Elle atteint aujourd’hui respectivement 50% en volume (40% en valeur) et 30% des 150 références du catalogue. Actuellement, le rayon masculin comprend cinq lignes déclinant besaces, serviettes, sacs à dos, bananes, cabas, sacs photo et ceintures. Son pendant féminin compte trois lignes et propose sacs à main, pochettes, tote bags et ceintures. Quelques produits, comme le sac de voyage ou la petite maroquinerie, sont déjà mixtes. « Nous nous orientons vers des produits de moins en moins genrés, comme le cabas que nous allons limiter à une seule version » annonce Alexandre Rousseau. La collection se renouvelle tout au long de l’année à hauteur de 20%, avec des nouvelles formes, matières et couleurs. Pour le printemps-été 2019, l’entreprise a relevé un nouveau défi en sortant des sandales pour hommes et femmes grâce à la compétence d’un bottier qui a formé les équipes. D’autres diversifications pourraient advenir dans un futur plus ou moins proche, mais son instigateur ne souhaite pas encore divulguer ces projets. De nombreuses collaborations animent régulièrement l’offre, comme avec la marque japonaise d’appareils photo Olympus, le fabricant de motos Blitz ou la griffe de maille Le Mont Saint Michel, pour n’en citer que quelques-unes. Deux nouveaux co-brandings sont sur le point de paraître : le premier, avec le label Lafuma Mobilier, « visant à ramener le mobilier de camping dans un univers déco », proposera diverses pièces pliables en cuir à tannage végétal non pigmenté sur structure en acier laqué, à partir du 15 octobre. Le second, avec le constructeur BMW autour de la moto R18 inspirée des années 1950, diffusera « de nombreux produits », comme un sac polochon ou une besace, dès le début novembre chez tous les concessionnaires BMW.
Avec un chiffre d’affaires approchant les trois millions d’euros en 2019, réalisé aux deux-tiers dans la boutique en ligne et à 60% à l’international, la marque, qui ne s’est pas arrêtée pendant le confinement, peut se targuer d’une belle réussite. Une quarantaine de points de vente en France distribuent Bleu de Chauffe et une centaine dans le reste du monde. « Pour l’instant, nous ne possédons pas de boutique en propre. Nous avons préféré investir dans l’atelier, indique Alexandre Rousseau. Nous voulons encore développer le site internet. Et d’autres collaborations sont programmées pour 2021. » De belles perspectives pour la marque et pour sa région qui se réjouit de prochaines embauches.
Chiffre d’affaires 2019 : 3 millions d’euros, dont 40% réalisés en France, le reste à l’étranger.
Boutique en ligne : 66% du CA
Nombre de références : 150
Offre globale : 70 % pour homme, 30 % pour femme
Offre en cuir : 60% du CA (50 % tout cuir, 50 % toile et cuir)
Production : 15 000 pièces par an
Effectifs : 30 personnes dont 20 artisans
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Rédaction François Gaillard
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