La botte camarguaise, labellisée après la charentaise
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Le cuir peut-il être biodégradable ? Telle est la question centrale qui a fait l’objet d’une première masterclass organisée par Smit & Zoon. Très avancé dans sa démarche RSE, le fournisseur de produits chimiques pour l’industrie du cuir a récemment lancé une nouvelle marque, dénommée Nera, commercialisant un agent de tannage alternatif, sans chrome, métaux ni aldéhyde. Désireuse de mobiliser la filière autour des enjeux durables, Nera a pour ambition d’héberger une plateforme de partage des savoirs où acheteurs, chercheurs et fournisseurs de cuir peuvent collaborer sur des sujets aussi controversés que la biodégradabilité. Réflexions croisées.
« Les entreprises qui n’adoptent pas de politique durable sont amenées à disparaître. »
Le cuir est un coproduit de l’industrie agro-alimentaire, à l’origine une peau de bovin, ovin ou caprin dont les quantités disponibles fluctuent avec la consommation de viande (NDLR – tendance à la baisse en France selon les chiffres de la FAO). Tributaire, le tanneur se fournit auprès des abattoirs ou collecteurs de cuirs et peaux bruts afin de les valoriser en cuir. Issu du monde animal, le cuir est un produit biodégradable par nature, mais c’est précisément le travail du tanneur qui, pour assurer sa durabilité (un long cycle de vie) va, sous l’action de la chimie, le rendre imputrescible. Dès lors, comment le cuir peut-il concilier durabilité et biodégradabilité ? Pouvons-nous le composter en fin de cycle pour générer une autre forme de vie ?
Les frontières entre la biodégradabilité, la durabilité et le compostage sont parfois confuses. « Il y a 20-30 ans, les industriels se concentraient sur l’origine des produits, s’assuraient qu’ils étaient organiques de manière à ne pas trop exploiter nos ressources, mais le focus est en train de se déplacer vers la fin de vie des produits », remarque Wouter Hendriksen, R&D Manager de Nera, auteur du livre blanc « Biodégradabilité et désintégration du cuir ». Et cela se vérifie dans tous les secteurs liés aux matériaux, tels que le bâtiment, qui cherchent à mettre en place des chaînes de valeur totalement circulaires avec pour étape ultime, la régénération. Alors par quels moyens l’industrie du cuir peut-elle y parvenir ?
« Les techniques de tannage développées par le passé se sont principalement polarisées sur la longévité du cuir. Cependant, la société actuelle demande une propriété de durabilité supplémentaire - un cuir qui se biodégrade en composants qui peuvent réintégrer le cycle de la nature. »
Le cuir n’est pas un matériau simple à biodégrader du fait de la quantité de substances qui le composent. « La biodégradabilité est inhérente à la fin de vie d’un produit qui se dégrade sous l’action des micronutriments et micro-organismes », précise le chimiste de Smit & Zoon. « Une chaussure ne se biodégrade pas pendant que quelqu’un la porte. C’est dans un environnement spécifique sur une période plus longue que le processus peut commencer. » Un jour, un mois ou des centaines d’années, combien de temps faudra-t-il ? Si les conditions ne sont pas réunies en fin de vie, le mécanisme de dégradation de la matière n’aura pas lieu. Il s’agit donc de tester les micro-organismes afin d’identifier les conditions les plus favorables à la décomposition (niveau de chaleur, humidité, oxygène…). « Un travail long et coûteux », souligne Wouter Hendriksen.
Certes le cuir a un avantage sur les matières synthétiques et plastiques, dérivées de la pétrochimie. Une peau est par essence biodégradable mais le tannage vient modifier la chimie des fibres de cuir. Et ce, précisément pour empêcher que les enzymes des bactéries et des champignons ne les brisent. En revanche, Nera démontre que « le cuir traité avec les tannins Zeology se biodégrade plus rapidement que les cuirs usant des méthodes de tannage minéral et synthétique (GDA à base de glutaraldéhyde modifié). Ainsi, le cuir Zeology se décompose avec de simples enzymes primaires, facilitant la bio assimilation des acides aminés dans les cellules bactériennes, en particulier par rapport aux types de cuir conventionnels (chrome) ». Au-delà de la première méthode de test pour le compostage, basée sur la norme ISO 20200, l’entreprise n’a pas retrouvé de substances toxiques à ce stade. L’autre méthode, ISO 20136, se concentre sur la dernière étape : l’assimilation du cuir par les micro-organismes. Encore une fois, Zeology montre une biodégradabilité supérieure, même si les résultats sont variables selon le type de boues résiduelles en interaction avec les cuirs, et les meilleures conditions restent à identifier.
Que le cuir se trouve dans un environnement sec ou humide, chaud ou froid, avec un faible taux d’oxygène ou au contraire un taux élevé… qu’il évolue dans la terre ou dans l’eau, la première chose à faire pour tester la biodégradabilité est de simuler ces conditions et de les répliquer comme autant de scénarios de fin de vie possibles. Les méthodes de tests, répondant à différentes certifications ISO (International Organization for Standardization) ou ASTM (American Society for Testing and Materials) sont évaluées sur un matériau référent. Si l’environnement joue un rôle important sur le temps de biodégradation, les principaux paramètres n’en demeurent pas moins les substances utilisées pour produire le cuir (agents de tannage, prêtant et finition). D’où l’importance pour une marque de penser à la fin de vie du produit, de sélectionner une matière et des produits chimiques naturels, qui ne limitent pas la biodégradation (NDLR – une épaisse couche de finition constitue une réelle entrave).
Tout cuir peut être composté mais la durée de biodégradation est un long cheminement en trois temps clés. « Prenez une peau de banane : des taches brunes apparaissent puis la pelure se décompose en petits morceaux, avant que les bactéries et micro-organismes ne réduisent encore la taille des résidus. Au final, l’assimilation des nutriments a lieu dans l’écosphère (riche en potassium et phosphore) et de nouveaux organismes en naissent (racines) », s’amuse le chimiste. Le compostage fait bien partie de la biodégradabilité, cumulant les phases de détérioration et de désintégration. Reste, en outre, la phase finale de l’assimilation nécessaire à la réalisation d’un cycle complet. Il s’agit d’observer comment le compost se comporte dans un environnement donné et d’écarter toutes substances qui pourraient se révéler au cours d’une ou deux années, grâce à une analyse de toxicité.
En quoi la biodégradabilité est clé pour votre marque ?
Nous travaillons sur la circularité depuis longtemps déjà et nous approvisionnons auprès de Smit & Zoon. Le cuir peut être un matériau circulaire et peut avoir un impact positif à condition de réunir les conditions requises. En collectant les chaussures usagées EMMA auprès de nos clients, nous pouvons l’utiliser comme nutriment pour nourrir les sols. Un cycle fermé qui assure sa continuité grâce à notre collaboration avec Nera. C’est une étape importante pour notre industrie, le process de tannage Zeology apporte une véritable valeur ajoutée et va changer bien des choses.
Devrions-nous nous attacher à la circularité ou la durabilité du cuir ?
Bien que la durabilité soit clef pour le cuir, ce n’est qu’un pan de la circularité. Maintenir un produit en vie aussi longtemps que possible fait partie intégrante d’une stratégie circulaire. En cela, l’entretien d’un cuir est crucial. En tant que designer, penser comment récupérer les chaussures en fin de vie et ce, dès la phase de conception s’inscrit dans une démarche d’éco conception. Mais on ne doit pas perdre de vue la durabilité du cuir, qui est un déchet. C’est une matière intéressante à mon sens parce que le cuir est un coproduit de l’industrie de la viande et du lait. En quelque sorte, c’est un résidu d’un premier flux résiduel !
En quoi le modèle de chaussures de sécurité EMMA Amazone est-il intéressant ?
C’est l’un des modèles phares créés par l’entreprise. Le premier aspect différenciant est son cuir nubuck en finition huilée qui ne demande pas d’entretien particulier. La tige d’Amazone est faite d’une seule matière, sans couche de PU ce qui facilite le processus de recyclage, eu égard au fait que nous collectons les chaussures en fin de vie. Ce cuir provient d’une usine spécialisée dans le traitement de peaux de chèvres, certifiée Gold par le Leather Working Group (LWG – organisation à but non lucratif dont l’activité vise à améliorer la traçabilité et la sécurité tout au long de la chaîne d’approvisionnement) située près de l’abattoir, ce qui permet d’éviter le salage des peaux. D’ailleurs, les chutes de cuir issues de cette mégisserie sont utilisées en tant que fertilisants puisque quasi exempts de chrome. En ce qui concerne les inserts en maille filet, ils se composent de PET (bouteilles de plastique recyclées) que l’on se procure auprès d’un partenaire. En guise de contrefort, nous avons intégré du TPU (polyuréthane thermoplastique) plus solide encore que le cuir, permettant ainsi de prolonger la vie de la paire. Et nous avons également remplacé les crochets par des œillets, moins exposés aux réparations. Enfin, la semelle intérieure amovible contient 80% de mousse recyclée. Bref, nous avons essayé de prendre en compte l’usage qui serait fait des chaussures et leur processus de recyclage.
Quels sont les autres points que vous travaillez afin de réduire votre impact ?
Nous projetons d’avoir davantage recours à du cuir metal free et poursuivons les tests en ce sens. L’an dernier nous avons mis en place un partenariat afin de transformer nos chutes issues de la production en matériau isolant de manière à ce qu’il n’y ait plus de gâchis. Notamment de PU (polyuréthane dérivé du plastique) qui nous sert à confectionner les semelles dans notre usine, située aux Pays-Bas. D’autre part, nous nous sommes rapprochés de l’un de nos concurrents afin d’organiser la revalorisation des chaussures usagées. Ensemble, nous avons étudié comment automatiser le démantèlement des chaussures, que l’on collecte en nombre. Chaque composant est réduit en granules, mais nous devons nous assurer qu’ils soient bien purs.
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Rédaction Juliette Sebille
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