La botte camarguaise, labellisée après la charentaise
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Attirés par les avantages offerts par la Tunisie concernant la filière cuir, les capitaux étrangers semblent revenir depuis la fin de la Révolution. Dans ce pays de la zone Euromed, les délais de livraison des marchandises vers l’Europe sont plus courts comparé à l’Asie. L’Industrie du Cuir et de la Chaussure (ICC), qui génère aujourd’hui 30 000 emplois et contribue dans la production manufacturière tunisienne à hauteur de 2%, se développe en conformité avec les normes européennes afin de répondre favorablement aux exigences de sa clientèle internationale.
Le Président de la Fédération Nationale du Cuir et de la Chaussure (FNCC), Akram Belhadj, avance que les produits en cuir sont surtout exportés vers l’Italie, la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et les Pays-Bas. Et parmi les projets de développement de l’industrie à court terme, l’Union Tunisienne de l’Industrie du Commerce et de l’Artisanat (UTICA), souhaite investir dans l’encadrement et la formation des ouvriers pour être toujours à la pointe. Par ailleurs, elle étudie la possibilité d’utiliser de la fibre naturelle d’alfa – alternative durable au cuir traditionnel – dans ses usines, bien que, pour l’instant, la matière reste onéreuse et la demande très limitée.
Sur recommandation du Centre de Promotion des Exportations (CEPEX), partons à la rencontre de trois fabricants de chaussures et de maroquinerie, où le savoir-faire est souvent transmis de père en fils. Certains de ces fabricants lancent aujourd’hui leur propre label pour s’exporter plus facilement à l’international et (re)faire valoir le Made in Tunisia. D’ailleurs, à ce sujet, un nouvel événement aura lieu à Tunis en décembre prochain, « Made in Tunisia, Made for Fashion », afin de promouvoir le travail des artisans de la filière textile-habillement et les dernières innovations technologiques.
C’est à Grombalia, petite ville située à une quarantaine de kilomètres au sud-est de Tunis dans la région de Nabeul, que l’entreprise est installée depuis 2007. Plateforme de la société mère, Jef Chaussures – un groupe formé par quatre sociétés industrielles – elle emploie environ 150 personnes à temps plein.
Des modèles confort en cuir jusqu’aux modèles synthétiques, la société Topaze, qui travaille principalement avec la France et l’Italie, crée plusieurs gammes de produits sur un segment qu’elle définit comme « moyen de gamme de qualité » en sous-traitance et cotraitance.
« Nous utilisons de la vachette, du mouton et de la chèvre pour fabriquer toute sorte d’articles : bottes, bottines, mocassins, ballerines, sandales ou chaussures de sport. Gémo, La Halle aux Chaussures, André, Pierre Cardin, Salamander ou TBS figurent parmi nos références depuis des années », explique la Responsable Production du site.
« Nous travaillons avec des chartes écologiques que nos clients européens nous exigent et, d’ici la fin de l’année, nous allons être audités pour la certification. Grâce à cela, nous serons plus compétitifs, plus concurrentiels. Quant au choix de nos fournisseurs, nous optons pour des matières de qualité afin d’éviter tout risque d’allergies. Nous avons aussi installé des postes de contrôle à chaque étape de la production. »
Concernant la chaîne de fabrication, la main d’œuvre de Topaze est facturée à la minute, comme la plupart des usines de confection. Elle inclue depuis la réception des peaux, la coupe, la piqûre, le montage, le magasinage, les frais annexes et l’expédition au client.
Dans un marché turbulent et fortement concurrencé par l’Asie, la société Topaze, qui confectionne 450 000 paires de chaussures par an, met l’accent sur la qualité, l’environnement et la sécurité qui permet de maintenir ses parts de marché et de gagner la confiance de futurs collaborateurs européens. « Désormais, on crée des relations directes avec nos clients, en évitant les intermédiaires pour être plus concurrentiels. C’est ce que font les Chinois et les autres… Travailler en direct et avoir notre propre collection pour intervenir sur le marché international, c’est notre stratégie.
Matador Export, anciennement CMW, fait partie de ces fabricants tunisiens dont la relève est assurée de père en fils. C’est aussi un jeune label, Matador by Moradi, en phase de développement à l’international, conduit par la nouvelle génération.
Dans les ateliers situés en périphérie de Tunis (zone industrielle de Ben Arous), la société s’organise sur deux volets. D’une part, la confection des tiges (le haut des chaussures sans montage) pour des marques comme Minelli incluant coupe et piqûre. D’autre part, la marque Matador by Moradi, produite en Tunisie – exclusivement en cuir – dont le design est réalisé en Italie avec des matières premières importées d’Espagne.
« J’ai obtenu un MBA à Barcelone et je suis revenu travailler avec mon père pour lancer notre label », indique Chouaib Ben Mansour, gérant de Matador Export, quatrième génération de cette famille de fabricants. Sûr de lui, l’exportation de sa marque doit être prospère. « Le nom Matador est espagnol et ne peut que séduire la clientèle ibérique… Nous commercialisons Matador by Moradi depuis cinq ans et nous allons bientôt ouvrir un magasin en Espagne. »
L’entreprise familiale, dirigée par son père, Mourad Ben Mansour, fait usage de cuir de vachette d’Italie ou d’Espagne, de cuir de veau, de chèvre ou nubuck. « Étant jeune, j’ai travaillé pour Zapper’s et je me suis formé chez Bata. J’étais un ancien cadre chez Bata Maroc et France. Avec la France nous avons un rapport de proximité, c’est un marché que je vise même si je m’en suis un peu éloigné… »
Si la société Matador Export fabrique quotidiennement jusqu’à 500 paires de tiges de chaussures et livre ses collections sous 15 jours en Europe, les semelles et les talons sont ajoutés en Italie. Une dernière étape cruciale qui lui permettra de bénéficier du très prisé « Made in Italie ».
Quant à Matador by Moradi, la marque produit deux à trois collections « sport chic » par an dans des cuirs fantaisie.
Dans l’usine de Raja Kharouf, fondateur de CRK en 1986, la petite maroquinerie est au cœur de l’activité. Sacs à main, besaces en tout genre, portefeuilles et ceintures en cuir y sont confectionnés.
« En Tunisie, les métiers du cuir nous les avons, nous les connaissons et les marques avec lesquelles nous travaillons innovent de plus en plus dans de nouveaux matériaux synthétiques. Nous sommes étonnés de la complexité de produire dans différents matériaux. Nous devons être très réactifs », lance le propriétaire des ateliers.
Son fils, Mahmoud, d’une trentaine d’années, travaille en collaboration avec lui. Il apporte une nouvelle vision quant à la gestion de CRK et l’évolution des modèles à proposer aux marques internationales. « J’ai rejoint l’entreprise il y a six ans. Je développe notre réseau client surtout à l’export. En fait, je fais l’intermédiaire entre les ateliers de production et le client final », explique Mahmoud. « Sur le marché local tout le monde connaît CRK, ce qui facilite notre entrée à l’export car les clients nous contactent directement. »
Si la France et l’Italie sont ses marchés prioritaires côté fabrication (CRK produit pour des marques moyen et haut de gamme telles que Paco Rabanne), la marque tunisienne a choisi l’Afrique pour s’internationaliser plutôt que l’Europe avec des prix abordables et une bonne qualité de produits.
« Nous avons engagé des procédures pour nous exporter en Algérie, en Côte d’Ivoire et au Maroc. L’Algérie surtout, qui est un pays voisin avec un gros potentiel. Mais nous allons avant tout nous repositionner à Tunis comme une marque jeune et branchée, modifier nos magasins et le service après-vente avant de partir à Alger. » CRK, qui opère actuellement en Tunisie avec sept établissements et ouvrira deux nouvelles unités cette année, communique dorénavant sur les réseaux sociaux afin d’attirer une clientèle plus jeune.
Pour Mohamed Lassâad Labidi, PDG du Centre de Promotion des Exportations (CEPEX), la balance commerciale du secteur est excédentaire avec un ratio de couverture des importations par les exportations de 132 % (derniers chiffres disponibles de 2017).
Les exportations des Industries du Cuir et de la Chaussure (ICC) sont acheminées vers plus de 90 pays dans le monde. L’Italie, la France et l’Allemagne représentent ses principaux marchés avec des valeurs à l’export respectivement de 125.4, 85.5 et 59.2 millions d’euros. Ces destinations ont accaparé, à elles seules, 77,4% des exportations globales du secteur.
Au terme de l’année 2018, les importations tunisiennes des industries du cuir ont été réalisées à partir de l’Italie avec 165.3 millions d’euros, la France 40.5 et l’Allemagne 9.5 millions d’euros. Ces pays sont aussi ses premiers fournisseurs de cuirs et peaux, d’accessoires et de composants.
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Rédaction Anne-Sophie Castro
Photos © Olivier de Larue Dargere
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