La botte camarguaise, labellisée après la charentaise
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Au nord du Brabant-Septentrional, dans le district du Langstraat, les troupeaux de bovins qui paissent, définissent les contours d’un paysage composé d’immenses plaines parcourues par des ruisseaux sinueux bordant des fermes en briques rouges. Un terroir propice au développement d’une industrie du cuir jadis florissante et toujours présente. C’est ici que Matthea Van Staden et Janine Caalders ont lancé le projet ambitieux de créer une filière traçable de cuir écologique et durable néerlandaise. Créée sous la forme d’une coopérative, Trace your Leather Cooperative (TLC) a pris ses quartiers dans une ancienne tannerie datant du 19ème siècle. Rencontre à Heuvelpark avec Matthea Van Staden.
À une époque où, pour des raisons écologiques, éthiques et morales, les consommateurs se soucient de plus en plus de la traçabilité des produits qu’ils achètent, les questionnements se sont peu à peu étendus à tous les secteurs, y compris celui de la mode et des accessoires. L’industrie du cuir, en raison des liens étroits qu’elle entretient avec l’élevage, mais aussi par les procédés employés pour la transformation de la matière première et par les nombreux mouvements de délocalisation dont elle a fait l’objet, se voit naturellement affectée par ce souci de transparence.
Matthea Van Staden et Janine Caalders se sont rencontrées autour de ces problématiques. Dans leur région de Hollande, l’élevage bovin fait partie des traditions séculaires et a connu dès le 18 ème siècle un énorme développement autour de la production de cuir et de chaussures. Les deux femmes souhaitaient à la fois valoriser le terroir et revitaliser un savoir-faire local, mis à mal par la délocalisation, tout en favorisant l’agriculture biologique et le développement durable. C’est donc là, dans le Langstraat, qu’elles ont scellé une chaîne vertueuse entre les différents acteurs du secteur : les éleveurs de bétail bio, de plus en plus nombreux et soucieux de savoir ce qu’il advenait des peaux de leurs bêtes, mais aussi les tanneries et des designers, conscients des enjeux environnementaux et sociaux.
La coopérative regroupe déjà une centaine d’éleveurs de bovins bio, mais aussi des troupeaux non certifiés qui paissent librement et se nourrissent exclusivement de ces pâtures. Les troupeaux sont composés de vaches Holstein et Red Holstein, mais aussi de races anciennes endémiques. Pour les éleveurs, tels Jeroen et Gusta van der Kooij, que nous avons rencontrés dans leur ferme dans la région de Delft, l’enjeu est crucial. Gusta nous confie que, récupérer les peaux des bêtes qu’elle a élevées était pour elle un rêve devenu réalité. Les efforts et les soins fournis par ces éleveurs, à la tête d’une centaine de vaches, essentiellement de race ancienne Blaarkop, attachés aux principes de l’agriculture biologique, prennent pour eux pleinement sens dans cette valorisation totale de leurs cheptels en adéquation avec leurs principes.
Il aura fallu pour obtenir ce résultat que Matthea et Janine, travaillent main dans la main avec les abattoirs, afin de garantir une collecte séparée des peaux des animaux élevés bio. L’objectif de TLC est désormais d’initier une labellisation de cuir durable sans chrome, issu de bétail bio d’origine hollandaise exclusivement.
Depuis l’origine, les fondatrices et membres de la coopérative mènent une réflexion globale autour du processus de transformation des peaux. Prenant en compte l’impact de la production sur les hommes et l’environnement, TLC souhaite pouvoir obtenir la labellisation EKO, attribuée par un organisme indépendant de certification bio néerlandais travaillant traditionnellement avec les entreprises du secteur agro-alimentaire.
Les efforts produits portent tout d’abord sur la réduction de l’utilisation de sels pour la conservation des peaux, mais aussi sur la limitation des transports nécessaires à la transformation, la coopérative ayant créé un réseau local de tanneurs, d’ateliers et designers. Une attention particulière est portée à la limitation de la consommation d’eau et d’électricité.
Les races anciennes dont sont issues les peaux, produisent des cuirs d’une très grande qualité ayant une forte identité. Les procédés de tannage et de finition plus écologiques, sans chrome ni aldéhydes, permettent de maintenir et d’accentuer ces spécificités en mettant en valeur l’unicité et l’authenticité de ces peaux.
La coopérative est accompagnée dans cette démarche par des partenaires locaux, tel que Lucad Leder, spécialiste des procédés de finition du cuir, installé dans les locaux d’une ancienne tannerie, Heuvel Park, mise en sommeil dans les années 80.
À Dongen, Riph Van Den Assum représente la dixième génération à la tête de la tannerie de Heuvel Park. Avec ses filles Sylvie et Irène, il maintient le site familial où la production a cessé totalement dans les années 80, lorsque l’industrie locale organisée autour de la fabrication de chaussures s’est délocalisée vers l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Il a depuis mis ses locaux à disposition de petites entreprises, dont certaines comme Lucad Leder travaillent encore le cuir.
C’est ici que TLC s’est installé et compte, avec la collaboration de la famille Van Den Assum, partenaire de la coopérative, ouvrir un centre de ressources autour d’une filière cuir écologique et durable locale. L’objectif est de réhabiliter la tannerie pour la rendre de nouveau opérationnelle et de regrouper sur la friche industrielle entre 50 et 75 personnes : techniciens, créateurs, designers, formateurs…
La ville voisine de Waalwijk possède la plus grande concentration d’entreprises du secteur de la chaussure d’Europe. Une économie et des savoirs, qui doivent être entretenus et revalorisés, perdurent dans la région. Ce projet ambitieux doit voir le jour en 2020. En attendant, les premières peaux qui ont été produites grâce aux partenariats avec des tanneries locales ont su séduire des marques de niches et des créateurs, notamment dans le secteur de la mode et de la décoration.
Les premières collections de cuirs de bovins développées par TLC pour le chaussant, la maroquinerie et la décoration s’adressent à des marques de niche. La production reste modeste et devrait atteindre à terme environ 24 000 peaux bio traitées par an. De plus les peaux collectées varient énormément en épaisseur et taille au sein d’une même production, ce qui limite la possibilité de fournir aux clients des quantités homogènes importantes pour développer de grandes séries.
Les premiers clients sont donc des créateurs plutôt orientés vers la réalisation de capsules ou de pièces uniques. Les peaux épaisses ont notamment attiré l’attention de la décoratrice néerlandaise Odette Ex. Elle a conçu à Amsterdam, pour le pavillon circulaire de la banque d’affaires ABN AMRO nommé le Circl, des banquettes circulaires tapissées de cuir bovin bio en tannage végétal, issu des premières productions de TLC.
Un cuir qui sera aussi mis à l’honneur dans l’ambitieux projet artistique mis sur pied par le créateur de mode Hans Ubbink et le photographe Julius Rooymans. Ils ont recréé photographiquement La Ronde de Nuit de Rembrandt, en sélectionnant des sosies des modèles du 16ème siècle et ont réalisé bon nombre de costumes et accessoires avec les cuirs produits par TLC. Une belle mise en lumière pour une entreprise qui s’ancre dans le patrimoine agricole, industriel et culturel de son pays.
Rédaction Hélène Borderie
Photos © Julie Berranger
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