Rose Saneuil repousse les limites de la marqueterie
Les Talents du Luxe et de la Création 2024 l’ont non seulement nominée pour son innovation mais aussi primée dans la catégorie Métiers d’Art. Rose ...
De style intemporel, cette griffe 100 % masculine offre un raffinement que seul le cuir peut apporter. Sans préciosité, prônant le naturel et l’authenticité, elle sublime les matières tout en assumant des choix atypiques. Néophytes s’abstenir.
Dès sa création en 1975, Séraphin se spécialise dans le vêtement en cuir pour homme. « Auparavant, j’avais acquis, avec mon épouse, technicienne, une belle expérience dans une société de confection de vêtements en cuir. À l’époque, la France était leader dans le cuir et, rien qu’à Paris, il y avait des dizaines d’ateliers, se souvient le fondateur de la griffe, Henri Zaks. La profusion d’entreprises dans le secteur rendait le recrutement d’ouvriers compétents difficile et nous freinait dans notre développement. Dans les années 1980, l’Italie a attaqué le marché de la fabrication français pour le haut de gamme et a entrainé la fermeture de beaucoup d’ateliers. Ce qui a mis du personnel sur le marché. Nous avons alors pu embaucher et nous développer » raconte le dirigeant.
Petit à petit, à force d’exigence et de réactivité, Séraphin devient incontournable. « Nous pouvions fabriquer dans la journée, prendre une commande le matin et livrer le soir même » se rappelle Henri Zaks en évoquant sa clientèle florissante de boutiques multimarques parisiennes aujourd’hui disparues. Grâce à sa présence sur les salons à l’étranger, aux États-Unis, en Russie, en Allemagne, et au boom économique du Japon au milieu des années 1980, la marque se développe à l’export également. Pour faire face à l’accroissement de sa clientèle, l’entreprise acquiert un atelier à Millau en 1982, qui épaulera les ateliers parisiens jusqu’en 2008. Las, celui-ci devra fermer faute de trouver du personnel qualifié pour remplacer celui partant à la retraite.
Aujourd’hui, l’entreprise, installée quai de Valmy depuis 1989 où elle possède cinq ateliers, emploie quarante quatre salariés et fabrique environ quatre mille cinq cents pièces par an. 90 % de sa production part à l’étranger, dans plus d’une centaine de points de vente en Russie, au Canada, en Chine, aux États-Unis, en Nouvelle Zélande ou en Europe. « La marque a beaucoup monté en gamme depuis ses débuts. Aujourd’hui, nous assumons notre statut de marque de niche basée sur un produit de très haute qualité mais fonctionnel et durable, qui se bonifie au porter » déclare Henri Zaks. Destinée à une clientèle de « collectionneurs », l’offre est constituée principalement de pièces à manches, blousons, parkas, manteaux, trois-quarts, chemises et surchemises, et renouvelée deux fois par an selon le ressenti et les inspirations d’Henri Zaks.
« Nous présentons environ vingt cinq nouveautés par saison et jusqu’à cent soixante variantes, avec différentes finitions, dans différentes couleurs et différentes matières. Mais nous proposons à côté une sélection de matières dans lesquelles les clients peuvent personnaliser les modèles. Nous pouvons aussi changer des détails sur demande voire fabriquer un modèle sur mesure » détaille ce dernier. En cours de saison, Séraphin peut livrer en urgence en 24 heures une taille standard et en 48 heures une grande taille ou réassortir dans un délai normal d’un mois. « Nous ne faisons pas manquer une vente à nos partenaires dans les stations touristiques. Nous faisons les retouches, les réparations et, pour nos clients fidèles, les customisations » avance l’homme d’affaires qui a le sens du service. Pour exemple, des distributeurs prestigieux comme Society Club à Monaco, Barney’s à New York, Mercury à Moscou, Lansmere en Corée ou United Arrows au Japon, lui font confiance depuis plusieurs saisons. Beau et accueillant, le site internet se limite toutefois à un rôle de vitrine, aucun commerce n’y étant pratiqué.
La qualité des produits Séraphin tient d’abord à leur confection extrêmement soignée. « Tous nos vêtements sont faits à la main par des artisans chevronnés et polyvalents, réalisant le vêtement de A à Z. Nous ne faisons appel à aucun sous-traitant » se félicite ce passionné, qui fabrique aussi pour des grandes marques de luxe depuis 1996. Toutes les toiles sont faites à la main et non avec des logiciels informatiques et les vêtements sont coupés individuellement par quatre coupeurs avec des couteaux à fourrure « plus précis et plus fins ». À l’intérieur des vêtements, les poches sont maintenues par des pattes, les emmanchures sont crantées pour plus de mobilité et de confort. Les finitions – ourlets, boutons et boutonnières, teinture des tranches – sont entièrement faites à la main et les fils des coutures sont rentrés manuellement. Autant que faire se peut, les peaux sont utilisées sur leur surface maximale, avec le moins de coutures possible.
L’autre secret des vêtements Séraphin réside dans la qualité et la rareté des matières. « Je privilégie les peaux très naturelles, souvent sans finissage, et m’accommode de leurs soi-disant défauts comme les veines, les rides, les côtes ou l’épine dorsale, déclare cet expert qui n’hésite pas à parcourir le monde pour dénicher des trouvailles. Pour l’été à venir, j’ai par exemple sourcé des peaux de chèvres métis dérayées à 0,2 mm d’épaisseur, indéchirables, pour fabriquer des chemises non doublées. J’ai également trouvé un agneau plongé d’Abyssinie totalement naturel, avec un toucher incroyable. Ces bêtes suivent la transhumance, ce qui donne une résistance particulière à leurs peaux ». Il affectionne aussi le veau, le cerf sauvage d’Amérique du Nord, « avec une fibre particulière qui donne au velours un moirage exceptionnel », le yack qu’il fait venir de Mongolie, le caribou, l’élan « un peu plus grand que le cerf » et bien sûr le croco « en finition ganterie, super souple ».
« Séraphin se différencie en prenant des risques sur les matières, indique ce véritable globe-trotter du cuir. J’achète parfois sur des coups de cœur, quitte à stocker les matières quelques temps ». Les intérieurs des vêtements ne sont pas en reste avec des doublures en soie de Lyon ou en fourrure, ragondin, rat d’Amérique, marmotte voire hermine ou zibeline pour les pièces les plus luxueuses. « Je n’emploie la fourrure qu’en doublure, mais les poches des vêtements doublés de fourrure sont elles aussi doublées de fourrure » précise ce perfectionniste. Depuis plusieurs années, Séraphin propose également des vêtements en textile, cachemire ou synthétique déperlant pour le côté pratique. Mais de subtiles touches de cuir rappellent toujours l’ADN de la marque, comme les passepoils ou les tirettes des coulisses de capuche. Tant de raffinement et de recherche ont un prix, puisqu’il faut compter 2500 à 50 000 euros pour acquérir une pièce Séraphin. Un privilège, toutefois, qui s’adresse à de vrais connaisseurs.
Rédaction François Gaillard
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