Foulons et Palissons fait revivre la tannerie
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Le cuir n’existerait pas sans les tanneurs et mégissiers, qui transforment la peau animale en un matériau noble. En Bretagne, Rennes a été une plaque tournante du commerce du cuir jusqu’au début du XXe siècle. L’Écomusée de la Bintinais invite à explorer ce pan méconnu de son histoire régionale. À découvrir avec l’exposition « Cuir – Une matière à fleur de peau », jusqu’au 1er septembre prochain.
Des bottes, un harnais, un tablier de forgeron, des accessoires de navigation, une malle, un blouson de rocker… L’exposition s’ouvre sur une vitrine d’objets du quotidien, en forme d’inventaire à la Prévert. Ce qui ne surprend nullement Marie Pichard, la Cheffe de Projet. « Le cuir est le seul matériau possédant autant de caractéristiques diverses. On l’utilise pour se chausser, s’habiller, se protéger, fabriquer des objets, transporter, embellir… Il imprègne nos cultures, représente un art à part entière, une marque d’appartenance sociale. Il résonne avec l’imaginaire depuis des siècles. Notamment avec la sensualité, l’érotisme, bien plus qu’avec les outils techniques nécessaires à sa fabrication ! », explique-t-elle. Si l’on retient en priorité, de cette matière ancestrale, son caractère sensible, son lien avec la mode et le luxe, « on connait beaucoup moins les tanneries et leur savoir-faire, souligne Marie Pichard. L’exposition rappelle d’où vient le cuir et comment une industrie valorise un déchet agroalimentaire en un beau produit durable. »
La Bretagne est une terre d’élevage, irriguée par des rivières. Sa capitale, Rennes, a été marquée – comme d’autres villes moyennes dans l’Hexagone – par l’essor du travail de la peau. « Le cuir était partout, précise Marie Pichard. Cordonniers, chapeliers, bottiers, bourreliers, tous avaient besoin du cuir. Aujourd’hui, il ne reste rien de cette activité florissante jusqu’aux années 1920. Excepté, l’ancien séchoir à peaux de la famille Pinault et des noms de rues, comme Baudrairie ou la Parcheminerie ». C’est précisément dans cette rue, à l’intérieur des remparts, à deux pas de la Vilaine, que tout a commencé. Tanneurs et artisans sont nombreux à s’installer en centre ville puis dans les faubourgs. L’Écomusée cartographie précisément les quartiers où l’activité du cuir a grandi : Saint-Hélier, Bourg-L’Evesque, Saint-Martin, Saint-Cyr. La seconde moitié du XIXe siècle voit s’accélérer la mécanisation. C’est aussi l’époque où les grandes familles rennaises s’intéressent de près à la production du cuir. « Certains sont propriétaires de manufactures. Tel l’ancien Maire de Rennes, Edgard le Bastard (1836-1892). Ceux qui ont osé investir dans cette matière ont eu le nez fin ! La tannerie a eu son heure de gloire alors que la ville était desservie par le chemin de fer et accueillait plusieurs foires et marchés tout au long de l’année. Rennes a même été spécialisée dans le cuir de semelle. »
L’exposition permet en même temps de se familiariser avec un vocabulaire technique spécifique, celui de la tannerie. Epilage, foulons, pelletier, corroyage… Car en se penchant sur une partie de son patrimoine, elle dévoile le processus complexe et encore mal connu de la transformation de la peau brute en cuir. Étape après étape, du travail de rivière au finissage… « Le lavage des peaux et leur conservation nécessitaient beaucoup d’eau et de sel, précise Marie Pichard. Elles pouvaient sécher entre 18 et 24 mois avant de devenir imputrescibles et résistantes. Les peaux, qui étaient dures comme du carton, étaient enduites d’huile de foie de morue afin de retrouver de la souplesse. Il fallait imaginer, après le travail de rivière et les bains successifs, un millefeuille de peaux et d’écorces de chêne, riches en substances tanniques, dans des cuves creusées à même le sol. » Un travail long, difficile, peu reconnu. Les artisans tanneurs, pourtant, recyclaient avant l’heure ! Non seulement la peau devenue cuir mais aussi « les poils et la graisse qui, une fois récupérés, servaient à fabriquer du feutre et de la colle ou de la gélatine ».
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Rédaction Nadine Guérin
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