Maison Hikaku, atelier de prototypage en plein cœur
de Paris

En sept années, Maison Hikaku s’est forgée une belle réputation dans le secteur de la maroquinerie. Véritable bureau d’études, cette jeune structure parisienne se veut un réel partenaire des marques pour la réalisation de prototypes et petites séries.

La maroquinerie est un métier à part entière que ne maîtrisent pas toujours les entreprises de mode. Et quand elles le connaissent, elles n’ont pas forcément le temps ou les infrastructures nécessaires pour développer tous leurs projets. Depuis sa création, Maison Hikaku répond présente dans les deux cas de figure et accompagne aussi bien les maisons spécialisées du luxe (Louis Vuitton, Delvaux) ou du moyen de gamme (Karl Lagerfeld, Paul & Joe), que les marques de mode moins portées sur les accessoires (Jean-Paul Gaultier, Sonia Rykiel) ou les jeunes labels se lançant sur le marché. « Nous proposons un service totalement sur mesure, explique Emmanuelle Keller, fondatrice de l’atelier. Cela peut aller de la simple fabrication d’une maquette ou d’un prototype au suivi global du projet, design et gestion de la production compris, en passant par la fabrication de petites séries pour les défilés par exemple. Nous sommes en mesure de remplacer un studio de maroquinerie quand celui-ci n’est pas intégré à la marque et aller jusqu’à la mise en réalité du projet, avec son étude de prix. » Et lorsqu’on lui délègue le suivi de la production, Maison Hikaku le prend entièrement en charge depuis les têtes de séries jusqu’au respect des délais de livraison, en passant par le sourcing des matières et des fabricants. »

maison hikaku atelier maroquinerie
Maison Hikaku réalise les modèles selon la manière traditionnelle, avec tous les outils adéquats.

Proximité et réactivité d’un atelier basé au cœur de Paris

Basé au centre de la capitale, l’atelier emploie une petite équipe de six artisans maroquiniers chevronnés et autonomes, à même d’assumer un projet de A à Z. Diplômée du studio Berçot en 1999, Emmanuelle Keller est formée sur le tas en maroquinerie au cours de ses expériences professionnelles chez Upla, Le Tanneur et auprès d’industriels indiens. Aujourd’hui, elle fait valoir sa double casquette de styliste et de maroquinière pour « comprendre le projet et l’interpréter en lui insufflant une vision moderne de la maroquinerie ». Agile et réactive, l’entreprise est à même de « sortir des projets en urgence, du jour au lendemain, comme pendant les périodes de défilés » et assumer jusqu’à six projets par semaine en adaptant sa capacité à sa charge de travail. Sa localisation au cœur du deuxième arrondissement de Paris facilite considérablement les échanges indispensables à l’ aboutissement des projets. « Pour les mises au point successives, les rencontres physiques sont plus commodes, rapides et efficaces que les réunions en visio-conférence ! constate la Directrice de l’atelier. Lorsque j’étais en entreprise, j’ai trop souvent vu des prototypes revenir de chez des fabricants asiatiques littéralement méconnaissables, avec des matières inacceptables achetées localement ».

maison hikaku facade atelier
Devanture de l’atelier.

Souplesse et méthode tout au long du développement produit

Les procédures de travail varient en fonction des missions auxquelles le bureau de développement s’adapte toujours. Mais si le client peine déjà à imaginer le produit, « il peut venir avec des références ou des moodboards et nous saurons le concevoir avec lui », assure Emmanuelle Keller. En général, il apporte quelques croquis esquissant le projet et explique ses idées de formes, de matières et de montage lors d’un premier rendez-vous. S’en suit un devis qui dépend intimement du projet. « Nous l’établissons sous forme de fourchette, avec une certaine latitude pour pouvoir le réévaluer en fonction des changements intervenant en cours de route », déclare la responsable. Une fois le budget entériné, la collaboration peut alors débuter avec la fabrication d’une première maquette en cuir recomposé, élaborée à partir d’un patronage lui-même issu d’une interprétation rigoureuse du croquis fourni par le client. Sitôt la maquette validée, la fabrication du premier prototype peut commencer directement dans la matière finale, avec les aménagements et les renforts à l’intérieur. « Il est rarissime qu’un seul prototype suffise. Pour les grandes maisons, nous fabriquons facilement trois ou quatre prototypes, avec des mises au point entre chacun. Au total, il nous faut au minimum quatre jours de travail, dont pas moins d’un jour et demi pour la première maquette et deux jours et demi pour le passage au cuir », détaille notre interlocutrice.

Savoir-faire et outils traditionnels

Adepte de la manière traditionnelle, Maison Hikaku réalise tout le patronage en carton à la main et possède les outils pour aboutir parfaitement le produit : une refendeuse qui met les peaux à l’épaisseur, une pareuse qui affine les bords, deux machines à coudre à double entrainement spéciales cuir, deux machines à coudre à long bras pour les coutures de fond ou en angle et une ponceuse pour polir les tranches avant et entre chaque teinture. La coupe est effectuée manuellement – la réalisation d’un exemplaire unique ne justifiant pas la fabrication d’emporte-pièces – avec des couteaux et tout le montage du sac se fait dans les règles de l’art, avec alènes, poinçons, maillets, fers à teinture et autres fils de toutes les couleurs. Au sous-sol, un établi en bois permet de poser rivets et œillets, si nécessaire. Une machine de marquage à chaud finalise le sac avec l’apposition du nom de la marque ou de toute autre référence.

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Teinture de tranche.

Cuirs naturels et tanneurs européens

« Souvent, les clients viennent avec leur sélection de matières et fournissent les composants, indique Emmanuelle Keller. Mais quand ils le souhaitent, nous pouvons prescrire une matière choisie parmi nos échantillons en stock dans notre « salle des matières ». Nous privilégions les tanneurs français, italiens et espagnols pouvant fournir 50 m² à la teinte, voire ceux qui vendent à l’unité comme Curtidos Badia ». Si elle se dit « plus réceptive aux cuirs transformés – par perforation mécanique ou au rayon laser par exemple – qu’aux fantaisies », celle-ci n’en reste pas moins curieuse et s’informe au salon Première Vision Leather au moins une fois par an. Elle confesse surtout une attirance pour les cuirs naturels qu’elle reconnaît au premier coup d’œil, peu couverts pour garder la sensualité de leur toucher, éventuellement de tannage végétal et plutôt lisses que grainés. « C’est d’abord la matière qui m’inspire », avoue cette styliste pourtant non initiée au cuir durant sa formation. Mais elle reste avant tout à l’écoute de ses clients et les oriente vers les choix les plus adaptés.

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Sac à main à rabat multi-cuirs.

Réalisme et efficacité

Passionnée par la maroquinerie, « plus technique que l’habillement », Emmanuelle Keller ne cache pas ses difficultés à parfois faire comprendre à des interlocuteurs néophytes les complexités du métier et leurs conséquences en termes de coûts. Sans fard, elle déplore aussi le manque d’innovation sur le marché ainsi que la confusion sur la qualité que peuvent créer, dans l’esprit du public, des prix surestimés. « Finalement, c’est la marque qui sert de référence pour les consommateurs », regrette-t-elle. Avec franchise, elle évoque également ses peines à recruter des artisans seniors, à même de conduire intégralement un projet. « Il devient problématique de trouver des jeunes, même en apprentissage, suffisamment patients pour accepter de répéter les mêmes gestes pendant plusieurs jours pour se faire la main. Le métier est quelque peu décalé par rapport aux mentalités d’aujourd’hui », confie-t-elle. Cependant, elle n’hésite pas à soutenir les jeunes designers qui se lancent, ayant elle-même possédé sa propre griffe nommée Gallières, lancée en 2016, qu’elle a depuis peu mise en sommeil pour mieux se consacrer à son activité B to B. Et pour pouvoir répondre aux demandes qui se multiplient, elle envisage de s’associer prochainement avec un partenaire du milieu qui lui permettra d’augmenter ses effectifs et sa capacité. Une belle perspective pour les marques françaises débutantes ou confirmées.

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Rédaction François Gaillard  

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