L’esprit du « moodboard »
Sur près de 9 000m2 de salles et galeries, le visiteur déambule sur ce terrain d’influence qu’a toujours été le Louvre pour les artistes et les créateurs de mode, dont Karl Lagerfeld qui, précise le commissaire d’exposition, « connaissait par cœur » les collections du XVIIIe siècle. « Je suis superficiel, mais il faut voir aussi la taille de la superficie », ironisait le géant de la mode. Dans la peau d’un créateur de mode, le visiteur flâne, au gré de délicieux surgissements de tableaux d’humeur ou planches d’ambiance, soit le moodboard évoqué, ici, à partir du rapprochement entre pièces de mode et objets d’arts, construits de façon érudite ou sensible, visuelle ou profonde, commente Olivier Gabet. L’esprit du moodboard, fil rouge du catalogue de l’exposition, irrigue, de même, la flânerie. Car le visiteur a rendez-vous avec l’inattendu, toujours. Que ce soit dans l’imposante salle où trône, aux pieds d’un portrait de Louis XIV, la majestueuse robe aux notes louis-quatorziennes de John Galliano pour Dior (AH 2006-07), ou devant une modeste vitrine où l’œil surprend des damiers jaune miel et brun chaud, colorant semblablement des céramiques et un soulier Louboutin réinterprétant, avec extravagance, le modèle de la chopine en velours et cuir de Cordoue (95). Une exposition d’autant plus inédite par ses pièces de mode principalement issues de collections privées.
Croix, dame à la licorne et éclectisme
La précieuse robe en maille dorée brodée de croix byzantines de Gianni Versace (AH 1997-98), les courbes finement ponctuées de feuilles d’acanthe brodées de Dries Van Noten (PE 2017), la gothique robe cathédrale de Iris van Herpen (PE 2012), la flamboyante figure du Troubadour de Galliano pour Dior (AH 2006-07) ou encore le surnaturel buste-reliquaire convoqué par Daniel Roseberrypour Schiaparelli (PE 2003) … De Byzance et du Moyen Âge, les créateurs de mode ont puisé la puissance visuelle et esthétique, voire spirituelle pour Marine Serres, subjuguée par la figure de la Dame à la Licorne. « J’aime le symbolisme du Moyen Âge, sa manière de raconter des récits mystiques et métaphysiques. »