Le luxe tranquille de Morabito

Quentin Véron par Georgia Karampini, Morabito.

Il est de ces adresses que l’on se chuchote à l’oreille, des repères d’esthètes et d’amateurs de belle maroquinerie… Et si le vrai luxe, c’était celui-ci, loin du bruit et d’une communication tapageuse, c’est avec cette philosophie semble-t-il que doucement mais surement, la maison Morabito déploie son histoire depuis 1905 d’abord à Nice, puis à Paris, aujourd’hui au 414, rue Saint-Honoré. Ce sont depuis, les clientes les plus prestigieuses qui ont succombé à ces objets revendicatifs d’un art de vivre à la française, en même temps que démonstration de savoir-faire et de technique. Des formes et modèles immuables traversent les années sans prendre une ride, tel « Le Traviata », imaginé en 1961 et nommé ainsi en hommage à l’une des plus prestigieuses clientes de la marque, Maria Callas. Il est reconnaissable à sa poignée en forme de harpe.
Le sac « Orsay » est créé, lui, en 1958 pour la toute aussi iconique Marilyn Monroe avec cette allure de petit vanity. L’impératrice du Japon, Nagako de Kuni, repartira de sa visite officielle en France en 1971 avec un sac Morabito, le modèle « Vendôme » et ses lignes design, emblématique de l’esprit de l’époque, offert par la première d’alors, Claude Pompidou. Une longue histoire teintée de prestige, d’artisanat, ce cousu main revendiqué par la marque, détails et belles matières, la maison étant renommée pour son travail des peaux exotiques, croco, autruche, lézard…mais aussi les fermoirs de ces sacs, travaillés dans des matériaux précieux – écailles de tortue, coraux, métaux précieux…- renouant ainsi avec l’esprit « joaillerie » du fondateur de la marque, Jean-Baptiste Morabito.
En 2024, la maison Morabito ouvre un nouveau chapitre de son histoire en confiant sa direction artistique à Quentin Véron, créateur s’étant illustré dans son approche et son travail de la fourrure. On l’appelle même parfois the « mad furrier ». Rencontre avec celui qui a désormais la tout aussi délicate que passionnante mission de préserver l’héritage, en même temps que celle de projeter la griffe dans ces prochaines années. Pour cette première collection, il semblerait bien que ce soit un pari réussi ! C’est avec passion qu’il développe ici son approche respectueuse de ces ateliers et de la mémoire de cette maison, en même temps que l’incursion de son univers et de ses références, qu’il entend faire dialoguer avec l’esprit Morabito.

Vous êtes le nouveau Directeur Artistique des collections Morabito. Comment définiriez-vous l’esprit, le style de cette maison ? Que raconte-t-elle au fourreur que vous êtes ?

Le mot qui définit le plus la maison Morabito c’est l’élégance : la beauté du travail artisanal de pièces d’exception mis au service de la personne qui les porte. Quelque chose qui s’applique fortement à la fourrure aussi. Ces pièces de maroquinerie de fourrure de haute qualité et de grande élégance font se sentir les femmes belles et les hommes puissants. 

On connaît votre approche et votre travail souvent avant-gardiste sur la fourrure. Envisagez-vous votre travail sur la maroquinerie avec la même philosophie ? Est-ce le même exercice de création ?

La phrase de notre fondateur Jean-Baptiste Morabito, au-dessus mon bureau exprime très clairement ce qui m’a conquis dans cette aventure : « Le luxe n’est pas exceptionnel, c’est l’exceptionnel qui est luxe. » Avec cette phrase, je me suis senti totalement à ma place pour créer des pièces exceptionnelles. Le circuit de création est assez similaire car les peaux exotiques se rapprochent le plus des fourrures et ce, dans la façon de les aborder avec leurs spécificités. Je travaille en collaboration complète avec nos magnifiques artisans pour ces pièces cousues main, dans nos locaux. Ensemble nous élaborons ces modèles tant dans leurs dimensions techniques que créatives.

Maison de luxe par excellence, Morabito sélectionne les plus belles peausseries, ose le cuir exotique et les détails raffinés. Quels cuirs avez-vous travaillé pour cette première collection ?

Venant de la fourrure, la matière est primordiale pour moi, et pouvoir travailler avec ces peaux d’exception est un pur plaisir ! Crocodile, autruche, python, vison, plumes…sont la plupart des matières que j’ai utilisé pour cette renaissance de Morabito où j’ai d’ailleurs revisité la gamme de coloris historique de Morabito : le vert émeraude, le bordeaux et le noir. Et pour amener tout ça vers des envies contemporaines, j’ai joué avec les textures de ces matières, avec des touchers « rubber » ou velours, et aussi des cuirs grainés 3D ou des noirs mats.

Plus intimement, quel est votre rapport avec cette matière cuir : une évidence ou un exercice de style nouveau ?

Je porte du cuir, je travaille le cuir, exotique, ou non, il a toujours fait partie de ma vie. Tout chez Morabito m’est apparu comme une évidence, de la matière aux couleurs jusqu’au style original du fondateur dans lesquels je me suis reconnu. Je me suis donc retrouvé assez vite à ma place dans cet exercice.

Comment s’inscrire dans l’histoire de cette maison, aussi prestigieuse que discrète, éminemment parisienne, synonyme d’innovations ? Qu’aimeriez-vous que l’on dise de ces premières créations ?

Toutes ces raisons m’ont poussé à accepter ce poste car elles sont en accord avec ma conception d’un luxe discret et exclusif : ma spécificité de savoir-faire, cette particularité de la pièce unique et du sur-mesure, mon respect des ateliers et de la maîtrise des techniques artisanales qui font la fierté des métiers d’arts français, ou encore ma vision de créateur de mode en adéquation avec les aspirations d’aujourd’hui. Ce que l’on m’a dit et qui m’a le plus touché lors de la présentation de la collection : c’est le luxe ultime et que j’ai réussi à mettre en lumière en même temps que toute la modernité de Morabito dans le respect de ses valeurs fondamentales.

Avez-vous, dans cette première ligne, une pièce qui est une évidence, symptomatique du style Morabito par Quentin Véron ?

Je pense que le sac Mini-Orsay en agneau 3D est celui qui définit le plus la fusion des styles Morabito et Quentin Véron.

Que souhaiteriez-vous raconter dans vos prochaines collections pour la marque ?

L’année 2025 marque les 120 ans de la maison, il faut donc s’attendre à un hommage aux sublimes archives et techniques de la maison qui ont fait son renom. L’arrivée d’une collection homme et d’une collection d’accessoires est aussi en projet.

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Rédaction Florent Paudeleux

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