Le Printemps des Cordonneries édition 2025 !
À nouvelle saison, nouvelle édition du Printemps des Cordonneries. Du 1er avril au 30 juin, la campagne nationale invite « chaque citoyen à redécouvrir ...
L’intelligence artificielle, en particulier générative – celle qui peut créer des images, des motifs ou même des designs à partir de simples descriptions textuelles – s’invite désormais dans tous les secteurs, y compris celui du cuir.
Cette technologie inquiète autant qu’elle inspire. Les maisons de luxe en particulier sont partagées entre la crainte de voir leur patrimoine créatif pillé ou banalisé et l’enthousiasme pour un outil d’innovation sans précédent.
Ce paradoxe reflète toute l’ambivalence de l’IA pour les métiers du cuir. Les algorithmes représentent à la fois un facteur de fragilisation de l’artisanat et de risque juridique tout en rescellant de grandes opportunités pouvant faciliter la protection des produits issus du travail artisanal.
L’IA générative se caractérise par sa capacité à imiter des designs existants. En entraînant des modèles sur des milliers d’images, notamment de produits de luxe et/ou artisanaux, ces IA peuvent générer des visuels étonnamment proches de créations réelles.
En particulier, l’IA peut produire des imitations d’images fidèles au style de celles utilisées lors de son entraînement. Partant, un outil d’IA pourrait « concevoir » un motif ou un sac qui, sans être une copie exacte, rappellerait fortement un design d’une grande maison. Si l’IA génère par exemple un motif très similaire à un pattern préexistant, se posera la question de savoir où s’arrête l’inspiration et où commence le rapprochement illégitime galvaudant des créations emblématiques.
Bien entendu, cette problématique juridique n’est pas apparue avec l’IA générative. Mais cette technologie, par sa capacité à produire des contenus de manière (quasi ?) illimitée, démultiplie les risques d’atteinte aux droits des créateurs, tout en facilitant la tâche de ceux qui cherchent à moindre effort à s’inspirer de leur travail.
Notons qu’un premier moyen d’endiguer ces risques réside dans le recours prévu à l’opt-out de l’article L.122-5-3 du Code de la Propriété Intellectuelle qui permet aux titulaires de droits d’auteurs de s’opposer en substance à ce que leurs créations soient utilisées pour alimenter les systèmes d’IA.
Bien évidemment, l’IA peut également être utilisée dans le cadre d’un processus créatif autonome, c’est-à-dire sans volonté de se rapprocher illégitimement des tiers. Les créations issues de ce processus de création faisant intervenir l’IA soulèvent la question de l’existence et de la titularité des éventuels droits d’auteur qui peuvent porter sur ces créations.
En Europe, seules les créations réalisées par des humains peuvent être protégées par le droit d’auteur. En conséquence, celles résultant exclusivement du recours à l’IA ne peuvent faire l’objet de droits d’auteurs. Corrélativement, et sous réserve des conditions contractuelles liant le système d’IA à son utilisateur, des créations issues de l’IA ne seront protégeables par le droit d’auteur que si elles font intervenir l’être humain durant le processus de création (et sous réserve de la question de l’étendue de son degré d’intervention, point sur lequel la jurisprudence française ne s’est pas encore prononcée à notre connaissance).
Cette situation impose de prendre les dispositions nécessaires pour retracer et documenter valablement le processus créatif afin d’être en mesure de démontrer la part d’intervention de l’homme ou, si les conditions de protection sont réunies, d’avoir le réflexe de déposer des dessins-modèles lorsque cela est possible. En effet, textuellement, rien ne semble s’opposer à ce que des dessins-modèles français ou de l’UE puissent émaner de créations générées par l’IA.
Outre le fait que l’IA puisse aider à la créativité ou à la productivité, sur le terrain juridique cette technologie peut être mise au service de la protection des savoir-faire et de la propriété intellectuelle. En effet, ironiquement, l’IA ne peut se réduire à une menace pour la PI, elle peut aussi être une alliée pour la protéger. Par exemple, les technologies de registres numériques comme la blockchain, souvent couplées à de l’IA, peuvent permettre d’assurer la traçabilité et l’authenticité des produits. Ainsi, en 2021, LVMH, OTB, Prada Group et Richemont se sont alliés pour créer le consortium Aura, une blockchain dédiée à l’industrie du luxe dont l’un des objectifs est de fournir à chaque produit (sac, vêtement, accessoire) un certificat numérique retraçant son origine, ses matériaux, ses propriétaires successifs. En créant un lien qui se veut infalsifiable entre le produit, la marque et le client, ces solutions participent à donner de la transparence sur la provenance des cuirs, le respect de l’éthique (tanneries, élevages) et l’authenticité de chaque création.
Par ailleurs, l’IA peut également se révéler très efficace pour détecter les contrefaçons et ainsi préserver l’intégrité des droits et du savoir-faire des maisons. L’IA excelle à éplucher des volumes massifs de données que des équipes humaines ne pourraient traiter en un temps raisonnable. Ainsi, des outils utilisant l’IA ont été développés pour fouiller le web, en particulier les places de marché et les réseaux sociaux, afin de détecter les produits contrefaisants, notamment sur la base de reconnaissance d’images. En outre, certains outils de lutte contre la contrefaçon en ligne utilisent l’IA pour s’enrichir des expériences passées et ainsi optimiser l’envoi des notifications requérant des plateformes qu’elles retirent les produits contrefaisants.
Grâce à de tels systèmes, le marché, y compris de la seconde main, peut être assaini, ce qui indirectement protège le savoir-faire : on évite en particulier que des produits contrefaisants ne circulent et n’entachent la réputation des artisans selliers ou maroquiniers. De l’ouvrage entièrement manuel à la mécanisation, l’artisanat traverse les époques en protégeant ses valeurs fondamentales (qualité, création humaine, rareté) tout en s’adaptant. L’IA peut s’inscrire dans cette continuité : bien maîtrisée et encadrée par des règles juridiques claires, elle peut constituer un outil pertinent aidant au travail quotidien, au même titre qu’un maroquinier utilise des ciseaux à cuir.
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Rédaction Mathias Robert, Associé, Conseil en Propriété Industrielle, Mandataire agréé près l’Office Européen des Brevets, Représentant devant la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB), Fabrice Bircker, Responsable de la pratique Internet & Data, Conseil français et européen en Marques, Dessins et Modèles.
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