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Le Palais de la Porte Dorée inaugure sa nouvelle programmation dédiée à la création d’aujourd’hui avec l’exposition « Christian Louboutin : L’exhibition(niste) ». Cet événement exceptionnel couvre près de trente années de l’œuvre et de l’imaginaire de Christian Louboutin, figure incontournable du monde de la mode. L’incroyable sélection de souliers, dont certains n’ont jamais été exposés, les pièces issues de sa collection personnelle et les prêts de collections publiques contribuent à une meilleure compréhension des sources d’inspiration et du processus créatif du fameux chausseur. Mais pour Christian
Louboutin, il s’agit moins d’une rétrospective que d’une célébration, d’un hommage à tous les artisans et artistes qu’il a rencontrés et avec lesquels il a collaboré durant ces nombreuses années. L’exposition, à découvrir absolument avant le 3 janvier 2021, met ainsi à l’honneur les multiples rencontres et collaborations qui ont jalonné son parcours et qui illustrent son attachement aux savoir-faire et aux métiers d’art.
Le choix du Palais de la Porte Dorée n’est pas le fruit du hasard, loin s’en faut. Ce chef d’œuvre de la période Art déco est, en effet, un lieu cher à Christian Louboutin. Élevé dans le XIIe arrondissement, le jeune Christian a découvert l’Aquarium Tropical et ce qui était alors le Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie grâce à l’une de ses sœurs, avant d’en devenir bientôt un visiteur assidu. Fasciné par sa beauté architecturale et par sa richesse ornementale, il y puise un répertoire de formes et de motifs, de couleurs et de textures qui ont, depuis, imprégné ses créations. C’est donc tout naturellement qu’il a souhaité rendre hommage « à ce Palais qui a vu naître sa vocation et qui n’a cessé de l’inspirer dès lors ».
Le parcours de l’exposition a été pensé par Olivier Gabet, commissaire de l’exposition et Directeur du Musée des Arts Décoratifs de Paris depuis 2013. Divisé en une dizaine de chapitres, il débute par l’Antichambre, sorte d’introduction où se trouve la clé de l’exposition : un panneau interdisant le port de talons aiguilles dans les espaces de l’ancien Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie. Cette signalétique, qui a profondément marqué le jeune Christian Louboutin, l’inspirera pour la création du modèle iconique de la Maison : l’escarpin « Pigalle ».
Passé cette introduction, l’exposition retrace les influences de Christian Louboutin à ses débuts, lorsqu’il officiait aux côtés de Roger Vivier, jusqu’au lancement de sa propre marque et l’ouverture de sa première boutique de souliers en 1991. Une série de huit vitraux, spécialement dessinés et réalisés pour l’exposition par la Maison du Vitrail de Paris sous la direction du Maître Verrier Emmanuelle Andrieux, illustre les éléments constitutifs du travail du créateur : la Parisienne, le spectacle, la couture, l’art, le voyage, l’artisanat, la sexualité et l’innovation. La Salle des vitraux accueille également les 300 premiers modèles dessinés et conçus par le créateur lui-même. Ce sont les « Louboutin » d’avant l’iconique semelle rouge qui constitue désormais sa signature. Parmi les modèles les plus emblématiques de cette période, citons le soulier « Maquereau » (première création, en 1987, inspirée par les poissons de l’Aquarium Tropical du Palais de la Porte Dorée), le soulier « Pensée » (automne-hiver 1992-1993) qu’il déclinera dans les couleurs les plus variées, ou encore les slippers ornés des lettres LOVE, inspirés par la princesse Diana
La visite se poursuit par la Salle des trésors au centre de laquelle trône un soulier de cristal – réalisé par le sculpteur Stéphane Gérard – sur un palanquin d’argent fabriqué par l’Orfebreria Villareal de Séville et décoré de broderies réalisées dans les ateliers du couturier Sabyasachi Mukherjee à Calcutta, d’après des dessins de Christian Louboutin. Les créations les plus emblématiques de ce dernier, sélectionnées parmi des milliers de modèles, sont ici réunies autour de thématiques variées telles que la couture (Madame Grès, Yves Saint Laurent), l’art moderne (Andy Warhol, Mondrian), les voyages (l’Afrique, l’Océanie et les Amériques), mais aussi l’architecture et le design (Oscar Niemeyer, Isek Kingelez). Parmi les souliers exposés figurent de très nombreux modèles en cuir, qui témoignent de la grande variété des matières et des techniques utilisées pour leur confection: la « Faux-cul pump » en cuir moulé sur forme, l’« Icône à clous » en PVC, cuir miroir et clous, l’ « Interior boot » en cuir verni et cuir coquillage », la « Mort à Venise » en velours et cuir de Cordoue ou encore la « Mulacramp » en cuir et daim. Autant d’illustrations de la créativité sans limite de Christian Louboutin. Elle transparaît également dans la salle suivante, consacrée à la série « Nudes ». Cette série de souliers couleur chair, initiée il y a une dizaine d’années, est ici mise en scène par le duo d’artistes anglais formé par Patrick Whitaker et Keir Malem. Ces derniers ont réalisé neuf sculptures gainées de cuir – leur matériau de prédilection – moulées à partir d’un corps féminin et déclinées selon les différentes nuances de la carnation. L’effet visuel ainsi créé, qui naît de « l’unité chromatique entre le pied chaussé et la jambe », donne l’impression que la jambe se prolonge à l’infini. Autant de réalisations qui seraient impossibles sans un savoir-faire et une technique exceptionnels, justement mis à l’honneur dans l’Atelier. Plusieurs petits films y sont projetés, qui retracent et expliquent en détail les nombreuses étapes – près d’une centaine au total ! – et les gestes nécessaires à la fabrication d’un soulier. On y découvre également certains objets (pieds, formes, matières et outils) essentiels à ce processus créatif si particulier alliant savoir-faire ancestral et innovation.
La pièce suivante étonne par ses allures de salon anglais saturé de papiers peints, de meubles et de bibelots. Christian Louboutin a ici souhaité se jouer de l’art décoratif et de l’ornement pour montrer « combien l’idée que l’on se fait du soulier se pétrit de projections et de suggestions souvent très loin de la réalité ». Il en donne un exemple précis : si les « spikes » (souliers en cuir recouverts de pointes ou de clous inversés) ont pour lui toujours évoqué la « Haute époque » (soit la période allant du Moyen Âge au début du XVIIe siècle), la projection fantasmée et la suggestion que nous en avons aujourd’hui tendent à leur donner une connotation très différente, généralement empreinte de sexualité, de domination voire de sadomasochisme. La vision initiale de ces souliers s’en trouve par conséquent complètement détournée. Le visiteur se dirige ensuite vers le Théâtre bhoutanais aux colonnes de bois sculptées et peintes selon les techniques ancestrales utilisées pour les temples et les monastères du pays. On y découvre une scène accueillant les hologrammes de l’effeuilleuse Dita von Teese et de l’équilibriste du ballon Iya Traoré, ainsi que de nombreuses créations et commandes spéciales. Christian Louboutin, qui a débuté comme stagiaire aux Folies Bergères, témoigne ici de son amour pour les arts du spectacle au sens large : cinéma, théâtre, cabaret, music-hall, cirque… jusqu’au monde des sportifs et des athlètes !
Cette proximité avec les artistes de toutes cultures et de toutes disciplines se retrouve également dans le « Pop corridor ». Véritable « passage entre deux mondes », cet espace met en évidence les liens forts qui existent entre Christian Louboutin et le monde du spectacle. Portraits de personnalités amies du créateur (Naomi Campbell, Lady Gaga, Rihanna ou encore Mika, qui est à l’origine de la première collection pour hommes de la maison Louboutin en 2009), couvertures de magazines, extraits d’émissions télévisées et clips musicaux témoignent du rôle joué par les créations de Christian Louboutin en tant que vecteur de la culture populaire. Parmi ces nombreuses collaborations figure celle avec le photographe et réalisateur américain David Lynch, dévoilée au public pour la première fois en 2007. Cet ensemble, qui occupe une place à part dans l’exposition, se compose de souliers « imaginés pour ne pas marcher » (semelles en voile, talons siamois…) et de photographies de ces derniers dans une mise en scène charnelle. Le soulier devient alors un « objet sans usage que la valeur artistique transforme en objet d’art ou en sculpture ».
L’exposition s’achève par le Musée imaginaire de Christian Louboutin, véritable hommage aux artistes et aux œuvres qui l’accompagnent depuis son adolescence et qui ne cessent de l’inspirer. Ce « lieu de tous les possibles, ancré dans le présent et tourné vers l’avenir », témoigne, s’il le fallait encore, de l’incroyable curiosité et de l’extrême sensibilité de Christian Louboutin à toutes les cultures, sans hiérarchie ni distinction d’aucune sorte.
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Rédaction & photos Garance André
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